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Les non-recours aux prestations sociales à Genève

Mercredi 13.03.2019

Un renversement complet ! Au lieu de fermer les yeux sur les non-recours aux prestations sociales, Genève veut désormais les identifier et y remédier.

Depuis 2013 et les «Assises de la précarité», l’approche des autorités politiques genevoises a complètement changé. Alors que les non-recours aux prestations sociales financières étaient cachés sous le tapis et considérés comme une façon simple et indolore de faire de substantielles économies, ils sont aujourd’hui vus comme une source de problèmes plus graves et plus coûteux. En effet, la majorité de ces personnes continueront de se fragiliser ou de se précariser, avec les souffrances évitables que cette situation induit et, tôt ou tard, le coût des prestations sociales sera plus élevé que si leur accès avait été garanti en amont.

Une étude a été menée entre 2015 et 2018 en partenariat avec quatre acteurs centraux du monde social genevois: l’Hospice général du Canton de Genève, le Service social de la Ville de Genève, Caritas-Genève et le Centre social protestant-Genève. Dirigée par les professeures Barbara Lucas, de la Haute école de travail social de Genève, et Catherine Ludwig, de la Haute école de santé de Genève, la recherche a été présentée le 12 mars 2019.

«La honte de demander et la stigmatisation des bénéficiaires de prestations financières jouent un rôle important dans le non-recours, renforcé par la prégnance des valeurs d’indépendance et de travail au sein du collectif interviewé [39 familles non-recourantes]. La recherche montre aussi comment un régime de protection sociale peut exclure une partie des populations qu’il vise à intégrer. A force de complexité, le système se révèle peu lisible pour l’ensemble du collectif, dont une partie abandonne sa quête d’information. Par ailleurs, les récits témoignent de différentes formes « d’exclusion administrative » : la crainte de perdre son permis de séjour ; le sentiment d’une fin de non-recevoir au guichet, les exigences bureaucratiques ou l’expérience d’un manque de respect de la part des professionnel.e.s. L’étude révèle aussi le caractère genré du non-recours. Des mères en situation de précarité justifient leur distance aux institutions par un manque de pertinence de l’offre, au regard de leur volonté d’améliorer leur statut social et de s’affranchir de toute tutelle masculine.»

Les liens entre la situation sociale et la santé ont également été identifiés. Constat : l’état de santé des 39 familles interviewées est nettement plus mauvais que celui de la population générale. Ainsi par exemple, quatre personnes sur cinq souffrent d’anxiété ou de dépression alors que seule une personne sur trois en pâtit dans la population générale. Quant aux douleurs et aux gênes physiques, deux tiers du collectif en déclarent. Il s’agit souvent de maux d’autant plus difficiles à soigner qu’ils sont devenus chroniques.

Enrichie par l’enquête auprès des professionnel·le·s du social à Genève, l’étude conclut avec une série de recommandations à l’usage des institutions et organisations sociales. Elles pourraient consister en l’automatisation de l’octroi des prestations, une simplification des procédures et législations, des mesures favorisant l’accès à l’emploi ou une formation des professionnel.le.s du social et de la santé au non-recours.

« Le non-recours aux prestations sociales à Genève. Quelles adaptations de la protection sociale aux attentes des familles en situation de précarité ? ». Barbara Lucas, Catherine Ludwig, Jérôme Chapuis, Jenny Maggi, Eric Crettaz, avec la participation de Aude Bourgeois, Audrey Magat et Maxime Walder. Rapport de recherche, Genève, mars 2019, 223 pages

 

Le rapport de recherche en format pdf

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