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La vieillesse, là où je vais vivre…

Mardi 13.03.2018

Réflexion de Jean Martin, médecin de santé publique et bio-éthicien

« Je m’intéresse à la vieillesse, parce que c’est là que je vais passer le reste de ma vie»… Je paraphrase le comédien américain George Burns. Le fait est que, participant à des discussions sur le grand âge, notamment la toujours plus grande quantité et qualité de soins que demandent les seniors, je me dis que c’est de moi qu’on parle. Je rassemble ici quelques sources différentes (lectures, conférences, rencontres) que j’ai appréciées et qui me font réfléchir.

«Time». L'édition du 26 février 2018 présente un dossier sous le titre « How to live longer better ». Extraits : « La mort est vue souvent comme une bonne chose pour une société qui aspire à être créative ; si votre temps est compté, vous réalisez plus.» « Les personnes âgées sont plus centrées sur le présent. » « Une étude de 2017 a comparé les mots positifs et négatifs dans des blogs de personnes en phase terminale et d’autres qui ne l’étaient pas. Les mourants étaient plus positifs. » Dans le même ordre d’idée, le prof. G.D. Borasio dit que les personnes en fin de vie se montrent plus altruistes.

Erik Erikson. Selon le psychologue Erik Erikson, en avançant en âge, ce n’est plus réaliser et amasser des choses qui est le plus important, mais bien les donner plus loin. « L’idée d’une génération remplaçant l’autre devient un tampon contre l’anxiété. » Il faut apprendre, convenions-nous il y a peu avec un confrère retraité, à prendre le temps de faire les choses, ou de ne pas les faire. Apprendre aussi à accepter l’inachevé dans notre parcours, quel qu’il soit.

C.G. Jung. J’assistais récemment à une réunion lors de laquelle un orateur a parlé des vues de C.G Jung sur la dernière partie de la vie. Il s’agit de retrouver ou développer des choses qu’on a négligées. Cela parlera à celles et ceux qui ont été pris entièrement ou presque par leur travail durant des décennies. En rapport avec nos réussites d’adultes, de professionnels, il a cité cette formule zen : « Celui qui a atteint son but a manqué tout le reste » ! Ouvrir la porte à la sérénité et trouver du sens, un chemin, au-dedans de soi-même plutôt qu’à l’extérieur. Quelque chose de nouveau se construit. «Redonner du goût à l’attente», a dit quelqu’un. Cette démarche, précisait-il, ne demande pas de se débarrasser de sa persona, de son image sociale construite antérieurement.

Jacques Besson et Viktor Frankl. Le psychiatre Jacques Besson, de Lausanne, a réfléchi sur la verticalité, sur « le divin dans l’homme ». Et sur le temps, aux multiples définitions. Etre attentif et saisir le kairos (le moment important et opportun, parfois point de basculement décisif), plutôt que rester fixé sur le chronos (le temps linéaire, celui de la montre). Il parle de Viktor Frankl dont l’expérience en camp de concentration lui a montré que les personnes ayant survécu avaient développé une vie intérieure leur permettant de «trouver du sens». Comme lui et comme en témoignent des soignants, des travaux en nombre croissant illustrent que la narratologie, c’est-à-dire leur permettre de parler, est d’un grand bénéfice pour les personnes âgées, pour (re)trouver et (re)donner sens aux jours.

Théologie et sociologie. Ne pas croire, bien sûr, qu‘il y a une seule doctrine juste en ces matières. Les idées changent, au gré d’acquis scientifiques aussi. Une gérontologue-théologienne a relevé que, au milieu du XXe siècle avait été développé, à propos des vieux, le modèle de l’activité à maintenir, puis celui du vieillissement réussi, en s’efforçant de prévenir, de s’adapter et de s’autonomiser. Aujourd’hui elle suggère de retrouver la noblesse de la notion d’accomplissement. Comme dernière étape de l’âge qui avance, elle a évoqué celle de la résilience, comprise comme l’apprentissage à croître à travers les déclins (les déficits, les déchirures). Elle a cité aussi le sociologue F. Höpflinger, de Zurich : « Nous avons appris à rester jeunes plus longtemps, nous n’avons pas appris à aimer la vieillesse. »

Croître à travers les déclins, aimer la vieillesse… Idéalement, c’est à quoi nous devons nous préparer.

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