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Normes de l’aide sociale : un avocat veut porter plainte

Lundi 08.01.2018

Eclairage par Ueli Tecklenburg, sociologue, Crissier

L’avocat zurichois Pierre Heusser est d’avis que les nouvelles normes de l’aide sociale, adoptées en 2016 par la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS) et la Conférence des directeur·trice·s de l’action sociale sont contraires à la Constitution.

Pierre Heusser est membre de l’Office indépendant pour le droit de l’aide sociale (Unabhängige Fachstelle für Sozialhilferecht). Cet office envisage sérieusement de porter plainte contre les cantons qui projettent d’abaisser encore davantage ces nouvelles normes. Tel le canton de Berne qui envisage une réduction générale de 8% du forfait de base et la possibilité de « punir » les bénéficiaires qui ne maîtrisent pas une langue locale officielle avec une réduction du forfait de 30%. Berne ne serait par ailleurs pas le seul canton à envisager de telles réductions.

Pour l’avocat zurichois, ces réductions cantonales supplémentaires sont anticonstitutionnelles, tout comme le sont d’ailleurs les nouvelles normes de la CSIAS en tant que telles. En effet, la Conférence avait mené une étude qui concluait que le forfait de base pour une personne seule devait s’élever à 1076 francs, en prenant comme point de référence les 10% des ménages disposant des revenus les plus faibles. Malgré ce résultat, elle avait alors décidé de maintenir le forfait de base à 986 francs. Ainsi, selon l’avocat, « (elle) ignorait le résultat de sa propre étude ».

Dans son argumentation, Pierre Heusser se réfère à deux arrêts de tribunaux anglais et allemand qui ne se prononcent certes pas sur le montant des prestations sociales, mais qui cherchent plutôt à savoir de quelle manière ce montant peut être fixé. Les deux arrêts signifient qu’il faut impérativement se référer à des données statistiques. Une divergence avec celles-ci exige alors une justification objective. Dans cette perspective, la nouvelle disposition prévue dans les normes suisses d’allouer aux personnes de moins de 25 ans un forfait diminué de 25% serait considérée par un tribunal allemand comme nulle, car arbitraire.

L’avocat zurichois s’interroge aussi sur la nécessité de l’existence de la CSIAS. En principe, son existence serait plus nécessaire que jamais, mais l’organisation faîtière devrait se déclarer clairement comme une association professionnelle qui ne fonde pas ses recommandations sur des critères politiques. La légitimité dont a joui la Conférence pendant longtemps se basait sur des études approfondies concernant la fixation des normes. En abandonnant cette base scientifique, elle a, toujours selon M. Heusser, commis une grave erreur. Elle s’est pliée au diktat de la politique et, si elle devient politique, elle n’a plus de raison d’être.

Il est possible de porter plainte pour inconstitutionnalité contre une loi cantonale, ce qui s’appelle juridiquement « contrôle des normes abstraites ». Cependant, une telle démarche serait de longue haleine. Il faudrait probablement aller jusqu’au Tribunal fédéral ou même jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.

Ce texte se base sur une interview parue dans la revue « Beobachter ».

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