Pour réunir les savoirs
et les expériences en Suisse romande
S'abonner à REISO
Co-organisé par l’UniFR, l’Unil, plusieurs institutions de la HES-SO, la HEFP et Unisanté, un colloque international questionne les effets du travail sur la santé.
Quel que soit le secteur, il semble que l’organisation de l’activité professionnelle et l’idéologie managériale qui la sous-tend reposent de plus en plus sur un modèle « éclaté », émietté et disparate du travail, tant dans son contenu que dans sa forme. Numérisation, déspatialisation, dématérialisation, télétravail, coworking, mais aussi algorithmisation, ubérisation, fragmentation, auto-évaluation permanente, individualisation accrue, effacement des liens et des collectifs, intensification des rapports au temps, etc., toutes ces transformations du et au travail ont fait apparaître de nouvelles perspectives managériales. Elles ont aussi souvent engendré des difficultés en matière de coordination, de coopération et de quête de sens au sein des équipes de travail.
Si ces évolutions ont été relevées par des travaux internationaux en sociologie du travail, certains pays, à l’instar de la Suisse, se sont peu saisis de cette thématique.
Dans ce rapport au travail éclaté, de nouveaux dispositifs techniques et administratifs de contrôle (évaluation, reporting, etc.) sont également mis en œuvre. Pourtant, on en appelle encore et toujours, à davantage d’autonomie et d’initiative des personnes, à leur « créativité » (Linhart, 2015). L’engagement des individus dans leur travail « réel » est alors souvent ressenti comme « empêché » (Clot, 2010) par ces nouvelles modalités paradoxantes (De Gaulejac et Hanique, 2015). L’espace professionnel devient un lieu de dissonances cognitives (Dejours, 2003) non sans effets sur la santé psychique des salarié·es, y compris des managers.
Dans les milieux professionnels les moins qualifiés, à l’inverse de cette sur-responsabilisation, une autre manière de penser le travail par l’effacement cognitif des salarié·es devenant de pur·es exécutant·es, à l’instar du voice-picking dans le secteur logistique, tend à transposer l’humain en simple extension de la machine-robot. Enfin, du côté des futur·es salarié·es (apprenti·es), les mêmes contradictions sont à relever.
Conjointement aux évolutions et aux mutations organisationnelles et gestionnaires, une dégradation de divers indicateurs de santé au travail est relatée dans les enquêtes européennes sur les conditions de travail mais aussi dans les enquêtes nationales en Suisse (Krieger et al., 2017 ; Office fédéral de la statistique, 2019, 2021). Les évolutions diffèrent toutefois selon les indicateurs, les catégories d’emploi et les caractéristiques des personnes, comme le genre (Messing, 2022). Les atteintes à la santé mentale au travail sont devenues une préoccupation importante pour toutes les parties prenantes (personnes en emploi, entreprises, assureurs sociaux, autorités, etc.). La focale d’analyse de ces maux en termes de faillibilité des individus, le plus souvent proposée, pose cependant question : quid des explications organisationnelles ? Du lien entre conditions de travail et santé ?
Force est de constater qu’en réponse à ces problématiques complexes de santé au travail, une multiplication de programmes ou coachings, permettant à l’individu en souffrance de « mieux se connaître », de gérer « son stress », « d’intérioriser les impératifs de performances », d’être « résilient·e » ou d’augmenter sa « rentabilité comportementale », sont proposés comme prévention dans les entreprises et les services publics. Quels effets produisent-ils, aux niveaux individuel et collectif ? Ne redéfinissent-ils pas, de manière équivoque, ce qu’est la santé au travail ?
Partant de ces constats, nous chercherons à répondre aux questions suivantes :