Le numérique, rempart au confinement des ados
«On n’est pas seul·e à galérer dans la vie !» Ce printemps, des milliers de jeunes se sont confié·e·s et ont posé des centaines de questions sur le site ciao.ch. Pour se rassurer, pour savoir si c’est bel et bien normal de… Et aussi pour savoir de quoi l’avenir sera fait.
Par Juliette Pichat, stagiaire scientifique, Association CIAO, Lausanne
Les interactions sur le forum de discussion à disposition des jeunes ont augmenté de 82% sur la période concernée, passant de 1284 en janvier 2020 à 6132 en juin. Cette fréquentation en hausse ne se limite pas aux messages entre adolescent∙e∙s. Suivant la même dynamique, les questions posées aux professionnel∙le∙s partenaires de la plateforme ont augmenté de 25% durant les deux mois de semi-confinement, totalisant 650 requêtes traitées et publiées.
Un substitut aux discussions avec les camarades
Il est clair que les adolescent∙e∙s ont vécu cette période difficile d’isolement en se reportant en grande partie dans le monde numérique, qui leur a offert un substitut des discussions ordinaires entre camarades d’école et autres ami∙e∙s. Il est frappant de constater que si les interrogations propres au coronavirus et aux inquiétudes qui en découlent ont évidemment figuré parmi leurs préoccupations, en particulier au début de la crise, les questionnements habituels n’ont pas diminué pour autant.
Nous avons observé que ce qui réunit les jeunes reste avant tout la volonté de partager son vécu pour se rassurer. La plupart des sujets comprennent ainsi des questions de type « est-ce normal », « est-ce grave » ou « est-ce que vous aussi », démontrant l’importance de confirmer que ce que l’on traverse est partagé par d’autres. Témoignages de ce remède en ligne à la solitude, de nombreux messages affluent sur le forum pour remercier la « famille ciao » d’être un « monde de confiance », où l’on découvre « ce que les autres ont comme problème » et où on réalise « qu’on n’est pas seul∙e à galérer dans la vie ».
Des frustrations et des envies d’en sortir
Face à cet événement sans précédent, nombre de jeunes sont venu∙e∙s sur le site pour y exprimer leurs craintes, leur incompréhension et leur frustration face aux contraintes quotidiennes imposées. Le forum a ainsi vu se multiplier les sujets traitant de « l’après-confinement », par exemple de ce qu’il adviendrait des vacances d’été ou des préoccupations à l’égard du suivi du programme scolaire à la maison. Les adolescent∙e∙s ont également exprimé leurs difficultés à s’occuper, à dormir ou à garder de bonnes relations avec leur famille, que l’impossibilité de sortir a compliquées.
Partiellement par anticipation, mais aussi en réponse aux questions reçues, ciao.ch a développé un onglet dédié à la pandémie. Des contenus explicatifs ainsi qu’un quiz proposant différents « profils du∙de la confiné∙e » afin d’appréhender les événements en partageant informations et expériences vécues ont ainsi été mis à disposition des jeunes ; autant de matériaux également appréciés par les professionnel∙le∙s de la jeunesse.
Pour autant, au-delà des questions spécifiques à cette actualité, la vie des jeunes a bel et bien suivi son cours du point de vue des thématiques qui les préoccupent : comme habituellement, les sujets abordés ont en grande partie concerné la sexualité, les changements liés au corps et à la puberté, ainsi que les relations amoureuses et/ou amicales. Les questions relatives à la masturbation sont apparues en nombre, isolement oblige, de même que les doutes sur le maintien de relations amoureuses « à distance », faute de possibilité de rencontre.
Maintenir la bienveillance partagée
Devant la hausse de fréquentation, l’équipe s’est trouvée confrontée à des défis en termes de maintien de la bienveillance des échanges dans un espace tel que le forum. Le guide de modération du forum, en cours d’écriture à ce moment-là, a été enrichi de toutes ces expériences récoltées. Il explore de nouvelles pistes sur la gestion d’un espace vivant qui nécessite à la fois des valeurs communes et de l’humanité.
Les échanges observés ont ravivé le sentiment, aussi bien de l’équipe que des intervenant∙e∙s, de la nécessité de proposer aux jeunes romand·e·s un outil de promotion de la santé et de prévention en accès bas-seuil, disponible 24h/24, avec du soutien assuré tant par des professionnel·le·s que leurs pairs.
Cet article appartient au dossier spécial «Travail social et Covid-19» coordonné par la Haute école de travail social Fribourg et REISO.
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Juliette Pichat, «Le numérique, rempart au confinement des ados», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 26 octobre 2020, https://www.reiso.org/document/6543