Quel accompagnement pour les enfants hyperactifs ?
Des foyers de Neuchâtel, Jura et Berne accueillent des enfants de 6 à 16 ans hyperactifs sous médication. Quelles sont les stratégies utilisées par les éducateurs et éducatrices afin de répondre à leurs besoins ?
Par Valentin Kneuss et Claire-Lise Theuvenat, travail de bachelor, Haute école de travail social, Fribourg
Le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) se trouve au carrefour de multiples problématiques. Parmi elles : expertise psychiatrique, usage des psychotropes, inadaptation scolaire, normes de comportements, mode de régulation des multiplicités individuelles, représentations de l’enfance, configuration éducative, relations familles-écoles, politiques de prévention, construction des savoirs médicaux et production de techniques thérapeutiques, travail social [1]. L’hyperactivité infantile se trouve aussi au centre de la dualité entre le champ psychiatrique (ses modèles théoriques et ses démarches thérapeutiques) et le champ social plus large (scolaire, familial, médical).
Le phénomène d’enfant hyperactif suscite de nombreux commentaires et controverses dans l’espace public. Les contradictions et les doutes ne sont pas rares. Les flous sont par exemple occasionnés par le nombre conséquent de recherches réalisées au cours de ces vingt dernières années, par la grande pluralité de facteurs à prendre en compte lorsque l’on s’occupe d’enfants souffrant de ce trouble ou encore par les nombreuses zones grises présentes dans le domaine clinique et dans les techniques d’imagerie cérébrale.
Le travail de bachelor [2] résumé dans cet article a eu pour but de questionner le point de vue des éducateurs sociaux sous l’angle des stratégies qu’ils mettent ou pourraient mettre en place. La focale sur ce corps de métier est pertinente car la quasi-totalité des recherches effectuées sont destinées aux parents ou aux enseignants et non au travail social. Notre recherche a aussi pour but de faciliter le travail de certains éducateurs sociaux peu renseignés sur le sujet qui ressentent un manque d’informations ou sont pris par le temps dans la routine du quotidien.
Les objectifs et les mots-clés
Trois objectifs de recherche ont été définis pour pallier le plus possible ce manque d’informations spécifiquement destinées à la profession d’éducateur social.
- Identifier les besoins des enfants souffrant du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité sous médication en foyer, en se basant sur des apports théoriques et les réalités du terrain exploré.
- Identifier les diverses ressources personnelles, professionnelles et organisationnelles inhérentes à l’accompagnement d’enfants souffrant de déficit de l’attention avec hyperactivité sous médication par des éducatrices et éducateurs sociaux.
- Comprendre les enjeux sociétaux de la mise en place de stratégies d’accompagnement des éducateurs et éducatrices sociales travaillant dans des foyers accueillant des enfants souffrant du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité sous médication.
En ce qui concerne le premier objectif sur les besoins des enfants, il couvre différents domaines : les besoins propres et personnels à l’enfant souffrant de TDAH, les besoins relationnels d’un jeune ayant ce type de trouble ainsi que les besoins en terme d’aide à proprement parler concernant l’accompagnement par le ou les éducateurs sociaux ainsi que les décisions autour de la médication. Un jeune souffrant de TDAH a également besoin de retrouver une relation qui soit la plus saine possible avec sa famille et ses pairs, ce qui adviendra notamment au travers de sa capacité à verbaliser ses émotions.
De son côté, l’identification des ressources recouvre trois niveaux : organisationnel, personnel et professionnel. Au niveau organisationnel, une ressource réside dans la présence de divers lieux aidant à l’accompagnement de ces enfants (école interne, terrains de jeux, etc). Un autre atout repéré réside dans la présence d’une réelle collaboration pluridisciplinaire prenant en compte les professionnels œuvrant autour du jeune.
Sur le plan personnel, un éducateur pourra s’appuyer sur plusieurs éléments faisant partie de sa personnalité, par exemple, ses passions personnelles, son parcours de vie ou son caractère. Au niveau purement professionnel, il augmentera ses ressources en suivant une formation spécifique ou en recourant à des lectures spécialisées.
La métaphore du bonhomme de neige
Les composantes sont nombreuses et, dans le but de simplifier les choses, nous les avons illustrés à l’aide de la métaphore du bonhomme de neige.
En effet, cette figurine est la majeure partie du temps construite par stade ou par étape, comme l’est n’importe quel individu d’une société. Les boutons représentent la quantité de médication qui sera administrée. La longueur de la carotte montre le nombre de risques à prendre en compte pour un accompagnement de ce type. Le bonnet est utile pour illustrer les stratégies censées protéger la personne TDAH. Les trois flocons de neige représentent les parents, les éducateurs sociaux et les pairs. Tous peuvent être renforçateurs ou, au contraire, destructeurs suivant la situation. Une neige légère viendra se poser et rafraîchir ou consolider le bonhomme. A l’inverse, une neige mouillée ne fera qu’affaiblir ou détruire le bonhomme.
La prise en compte de l’ensemble du contexte est capitale dans l’accompagnement d’un usager souffrant de TDAH. Importante aussi est la prise de conscience par l’intervenant qu’il peut provoquer certaines blessures en travaillant avec ces personnes et qu’un questionnement constant doit l’animer pour évaluer si il répond au mieux aux besoins. Les stratégies dégagées s’articulent autour de trois thèmes :
- Actions de l’éducateur social
- Comportements typiques
- Aménagements possibles de l’environnement
Dans l’action éducative, plusieurs notions apparaissent prioritaires : individualiser les interventions, proposer divers accompagnements (à domicile, avec des activités extérieures, par une aide en classe, etc.), prévenir les comportements à risque, responsabiliser les jeunes. Quant aux comportements typiques, ils se réfèrent à l’adaptation, à la priorisation des actions éducatives en lien avec les envies et les intérêts de l’enfant. Concernant les aménagements de la structure de l’organisation ou du groupe de référence du résidant souffrant de TDAH, les professionnels mettent en avant quatre axes qu’il semble important d’observer : le fait d’avoir un cadre stable et cohérent, la présence de bons effectifs de professionnels, le travail en petits groupes et l’utilisation de certaines méthodes ou outils.
Des pistes consensuelles pour l’accompagnement ?
Dès lors, est-il possible de définir une démarche qui ferait consensus pour les problématiques du TDAH ? Et quel choix est-il le plus opportun entre école régulière et école spécialisée ? Un accompagnement directement dans l’école publique favorise une éducation par les pairs et, de plus, évite la séparation et la stigmatisation de jeunes disposant de capacités intellectuelles identiques aux autres. La création d’une classe « annexe » à un collège public serait une autre piste. Elle permettrait à certains élèves de souffler ou d’avoir à disposition un enseignement plus individualisé qu’il ne l’est dans des classes de plus de vingt enfants. Cette classe serait destinée et également utile à des enfants souffrant de dyslexie, dysorthographie, dyscalculie ou de trouble du déficit de l’attention par exemple. Une telle structure aurait un coût important, certes. Elle serait idéalement composée de 6 à 10 élèves et gérée par trois ou quatre professionnels. Cet effectif donnerait la possibilité de mettre en place un suivi très individualisé, besoin indispensable pour certains jeunes.
Pour des enfants qui ne trouvent pas leur place dans le système scolaire actuel, cette classe « annexe » serait une solution. Elle permettrait aux jeunes d’apprendre grâce à leurs différences tout en bénéficiant d’un accompagnement profitable à tous. Cette structure pourrait être créée à l’image de celle offerte à certains enfants en situation de handicap scolarisés dans le système scolaire ordinaire dans les premières années et ensuite redirigés auprès de classes spécialisées une fois que le niveau devient trop élevé ou trop difficile à suivre. Finalement, il n’existe pas de recette miracle dans ce type d’accompagnement, mais des pistes à tester et à expérimenter.
[1] Dupanloup, A. (2001). Le succès médical et social d’une psychopathologie : L’hyperactivité infantile. Carnets de bord, Université de Genève, 15 pages. En format pdf
[2] « Enfants et ados Souffrant de TDAH », Valentin Kneuss et Claire-Lise Theuvenat, travail de bachelor à la Haute école de travail social – Fribourg, sous la direction de Laetitia Stauffer, 2016.
Un fascicule résume les questionnements afin d’aider les professionnel·le·s dans l’approche des enfants hyperactifs, 12 pages, disponible en format pdf