Un métier du social (pas) comme les autres?

Lundi 18.08.2025
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Une étude sociologique plonge au cœur du métier méconnu de curateur ou curatrice professionnelle, qui conjugue rigueur, empathie et ingéniosité auprès de personnes qui n’ont bien souvent pas demandé à être aidées.

Par David Pichonnaz, Agnès Aubry, Marlène Bouvet et Lucile Quéré [1]

Dans le champ de la protection de l’adulte, la figure traditionnelle du « tuteur », associée à l’univers juridique, a progressivement laissé place, depuis plusieurs décennies, à des équipes majoritairement composées de professionnelles diplômées en travail social. Métier emblématique de l’« aide contrainte », la profession de curateur ou curatrice professionnelle se distingue par la centralité de l’accompagnement administratif, bien qu’elle s’inscrive aussi pleinement dans le registre de l’accompagnement social. Jusqu’ici largement ignoré des sciences sociales, cet espace professionnel a été investigué par une équipe de recherche de la HES-SO Valais-Wallis durant trois ans [2].

Un accompagnement souvent invisible

Une large part du travail des curateurs et curatrices professionnelles consiste à gérer les affaires financières et administratives des personnes placées sous mandat de protection par un·e juge ou une autorité administrative. Ces individus font souvent face à des troubles psychiques, des addictions ou encore des déficiences intellectuelles. Dans la plupart des cas, le travail repose sur l’établissement d’un budget, le paiement des factures, la rédaction des courriers, ou encore la gestion des impôts et assurances.

Certaines personnes vivent avec le minimum vital, voire moins, tandis que d’autres disposent d’un patrimoine important. La majorité se trouve cependant dans une situation de grande précarité, ce qui complexifie le travail de gestion budgétaire : il s’agit de hiérarchiser les dépenses, puis d’allouer un montant hebdomadaire ou mensuel pour les besoins courants.

En parallèle, les professionnel·les consacrent beaucoup de temps à garantir l’accès aux droits sociaux des bénéficiaires : elles et ils effectuent des démarches pour obtenir des prestations sociales, aides ciblées ou rentes. La recherche ou le maintien d’un hébergement constitue un autre volet crucial du travail, que ce soit pour trouver un appartement ou une place en institution. À cela s’ajoute un accompagnement social « classique » : écouter les personnes, les conseiller, les orienter ou les rassurer, les encourager à s’engager dans des procédures ou à maintenir certaines activités. Il s’agit également d’accompagner un placement en institution, qu’il soit volontaire ou non. Ce travail, souvent réalisé dans l’ombre, mobilise des compétences de nature très différente : techniques, relationnelles et émotionnelles.

Oscillation entre trois registres de compétences

Le métier de curateur, curatrice professionnelle repose donc sur des compétences techniques pointues. Il nécessite une connaissance approfondie du droit de la protection de l’adulte, des assurances sociales, des dispositifs d’aide existants, ainsi que des critères d’éligibilité et des requêtes à effectuer pour y accéder. Les professionnel·les doivent également faire preuve d’organisation, savoir anticiper, planifier, gérer un budget et manier les chiffres avec aisance.

L’aspect parfois ésotérique de ces savoirs est frappant : lors d’observations menées sur le terrain, il est fréquemment arrivé que les sociologues de l’équipe ne comprennent pas certaines discussions entre curateurs ou curatrices, tant elles sont complexes. Ce savoir technique se caractérise par une forme d’ingéniosité administrative — les professionnel·les disent faire preuve de « créativité » — lorsqu’il s’agit par exemple de faire face aux demandes parfois contradictoires des administrations ou à des situations qui paraissent inextricables.

Ces compétences techniques contribuent à assurer la survie matérielle des individus sous curatelle, dans un système de protection sociale dense et souvent opaque, les services de curatelle ne disposant pas de fonds propres pour venir en aide aux personnes. Les démarches administratives s’imprègnent ainsi d’une dimension profondément relationnelle : elles ne sont pas de simples formalités, mais une manière d’exprimer un souci pour l’autre. On peut alors parler d’un véritable accompagnement administratif, une forme de care à distance, où la sollicitude s’exerce parfois sans contact direct avec les personnes mais avec un impact tangible [3].

Les curateurs et curatrices mobilisent aussi des compétences relationnelles, proches de celles attendues dans d’autres domaines du travail social. Il s’agit d’instaurer une relation de confiance avec les personnes, de se tenir à l’écoute des besoins qu’elles expriment, de faire preuve d’adaptabilité dans la communication, ou encore de maîtriser des techniques d’entretien. Ces aptitudes permettent de rendre plus acceptable une aide qui peut être perçue comme intrusive ou imposée, d’« adoucir » les contours de l’aide contrainte. Pourtant, ces dimensions relationnelles restent souvent peu visibles, le métier étant généralement réduit à sa composante administrative et financière.

Encore plus invisibles, y compris aux yeux de celles et ceux qui les mobilisent, se trouvent les compétences émotionnelles. Le concept de travail émotionnel, introduit par la sociologue Arlie Hochschild [4], est particulièrement éclairant ici. Il s’agit à la fois de gérer ses propres émotions (« travail sur soi ») et d’agir sur celles des autres (« travail sur autrui »), afin de maintenir la relation d’aide. Pour les curateurs et curatrices, ce travail émotionnel consiste à écouter les personnes avec bienveillance, montrer de l’intérêt pour des problèmes parfois jugés secondaires, ou rester impassible face à des attitudes déroutantes. Il peut être de surface — lorsqu’il ne faut pas laisser paraître ses véritables sentiments aux yeux de la personne accompagnée — ou en profondeur, lorsqu’il comprend un réel effort d’empathie, par exemple en se rappelant que certains comportements inhabituels découlent d’une pathologie.

Si ce type de compétence n’est pas propre à la curatelle, il prend ici une forme singulière. En effet, en intervenant auprès de personnes qui n’ont pas sollicité d’aide, les curateurs et curatrices sont exposé·es à des réactions de rejet, de colère voire de violence. Dans ces cas, le défi est de ne pas répondre à l’agression par l’agression, mais de garder son calme, y compris face à l’injure. À cet égard, le métier combine des enjeux propres aux métiers du care avec ceux des métiers de l’ordre, comme la police.

Entre manque de reconnaissance et rencontres singulières

Comme dans d’autres professions du travail social et de la santé, les curateurs et curatrices professionnelles souffrent d’un manque de reconnaissance. À cela s’ajoute une charge de travail souvent très élevée, avec jusqu’à plus de soixante personnes à accompagner pour un poste à plein temps. Au quotidien, les logiques pesantes de réduction des dépenses sociales s’ajoutent à la charge émotionnelle inhérente au métier et à la complexité des situations rencontrées.

En outre, le travail mené auprès des personnes sous curatelle consiste bien souvent à éviter une dégradation supplémentaire de leur situation. Autrement dit, devant « l’impossibilité à transformer des individus en vue de les adapter à une société toujours plus exclusive », les curateurs et curatrices mènent ce qui peut s’apparenter à un « travail social palliatif » [5]. Cette réalité peut confronter les professionnel·les à un sentiment d’impuissance, souvent renforcé par les attentes du réseau ou de l’entourage, auxquelles il est difficile de répondre. Elles et ils développent alors une capacité à prendre de la distance, parfois teintée de fatalisme, et apprennent à se satisfaire de petites victoires, comme un budget équilibré ou une demande de soutien financier aboutie.

La stigmatisation sociale des personnes sous curatelle s’inscrit également comme un facteur de pénibilité. Certaines curatrices ont indiqué que les bénéficiaires étaient qualifié·es de « faune », voire de « déchets de la société » par leur entourage, renforçant le sentiment d’exercer un métier en marge, auprès d’un public rejeté. Malgré ces difficultés, les curateurs et curatrices tentent de préserver le sens de leur métier ; qu’il soit relationnel pour certain·es ou ancré dans le fait de mettre en œuvre la loi de la protection de l’adulte pour d’autres.

Plusieurs logiques viennent atténuer ces difficultés : une forte autonomie dans l’organisation du travail, la variété et l’imprévisibilité des situations, la stimulation intellectuelle (« On en apprend tous les jours »), ou encore le soutien entre collègues. Des sources de satisfaction sont spécifiques au métier : certain·es professionnel·les affirment être fier·es d’apporter de l’aide à des personnes « abandonnées », que nul·le autre ne veut accompagner. D’autres sont attiré·es par la confrontation à des comportements atypiques et par la singularité des situations. Enfin, beaucoup évoquent un goût pour les récits de vie, les anecdotes, et leur capacité à ne pas se laisser impressionner par ce que l’on pourrait appeler les « coulisses » du monde social.

[1] David Pichonnaz et Agnès Aubry, sociologues, HES-SO Valais-Wallis, Marlène Bouvet, sociologue, École normale supérieure de Lyon, Centre Max Weber, et Lucile Quéré, sociologue, Université de Lausanne

[2] Projet : « Relational workers and their past. A dispositional analysis of adult safeguarding practices », financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS – n°200618). Requérant principal : David Pichonnaz. Collaboratrices scientifiques : Agnès Aubry, Marlène Bouvet et Lucile Quéré.

[3] Cette question de l’accompagnement administratif comme travail de sollicitude institutionnelle est développée dans un article à paraître en avril 2026 :  Aubry, Agnès ; Quéré, Lucile ; Pichonnaz, David. « Sous la paperasse, le care. La production étatique de la sollicitude par les curatrices professionnelles ». Travail, Genre et Sociétés.

[4] Hochschild, Arlie R. (2017). Le prix des sentiments. Au cœur du travail émotionnel. La Découverte.

[5] Soulet Marc-Henry. (2007). « La reconnaissance du travail social palliatif », Dépendances, pp. 14-18.

Comment citer cet article ?

David Pichonnaz et al., «Un métier du social (pas) comme les autres?», REISO, Revue d'information sociale, publié le 18 août 2025, https://www.reiso.org/document/14459