De l’urgence d’affirmer la discipline travail social

Jeudi 30.10.2025
stdClass Object ( [id] => 45 [asset_id] => 1139 [field_type] => textarea [name] => article_copyright [label] => Copyright [description] => [isfilter] => 0 [isadvfilter] => 0 [iscore] => 0 [issearch] => 1 [isadvsearch] => 0 [untranslatable] => 0 [formhidden] => 0 [valueseditable] => 0 [edithelp] => 2 [positions] => [published] => 1 [attribs] => {"use_ingroup":"0","allow_multiple":"0","add_position":"3","max_values":"0","required":"0","default_value":"","default_value_use":"0","validation":"RAW","auto_value":"0","auto_value_code":"fields;\r\nif ( !isset($F['fieldname01']) ) return array('fieldname01 field not found');\r\n\r\n$vals = array();\r\nforeach($F['fieldname01']->postdata as $i => $v)\r\n{\r\n $vals[$i] = 'Auto : ' . $v;\r\n}\r\n\r\nreturn $vals;","display_label_form":"1","label_form":"","no_acc_msg_form":"","use_html":"1","placeholder":"","maxlength":"","rows":"3","cols":"80","editor":"","width":"98%","height":"150px","show_buttons":"0","import_fv_remap_mode":"0","import_fv_remap":"","import_fv_ccode_mode":"0","import_fv_ccode":"parameters->get('some_param');\r\n\r\nforeach($values as $i => $v)\r\n{\r\n $values[$i] = 'Example ' . $i . ' : ' . $v;\r\n}\r\n\r\nreturn $values;","display_label":"1","show_acc_msg":"0","no_acc_msg":"","include_in_csv_export":"0","csv_strip_html":"0","viewlayout":"default","lang_filter_values":"0","encode_output":"0","clean_output":"0","cut_text_catview":"0","cut_text_length_catview":"200","cut_text_display_catview":"0","cut_text_display_btn_icon_catview":"icon-paragraph-center","cut_text_display_btn_text_catview":"...","prx_sfx_open_close_configs":"","remove_space":"0","pretext":"","posttext":"","separatorf":"1","opentag":"","closetag":"","trigger_onprepare_content":"0","trigger_plgs_incatview":"0","microdata_itemprop":"","useogp":"0","ogpusage":"1","ogpmaxlen":"300","display_label_filter":"2","display_filter_as":"1","display_label_filter_s":"2","display_filter_as_s":"1","editorarea_per_tab":"0","start_of_tabs_pattern":"","end_of_tabs_pattern":"","start_of_tab_pattern":"","end_of_tab_pattern":"","title_tab_pattern":"","force_beforetabs":"1","force_aftertabs":"1","allow_tabs_code_editing":"1"} [checked_out] => 0 [checked_out_time] => 0000-00-00 00:00:00 [access] => 1 [ordering] => 42 [has_access] => 1 [item_id] => 14754 [value] => Array ( [0] =>

© Valerii Honcharuk / Adobe Stock

) [parameters] => Joomla\Registry\Registry Object ( [data:protected] => stdClass Object ( [use_ingroup] => 0 [allow_multiple] => 0 [add_position] => 3 [max_values] => 0 [required] => 0 [default_value] => [default_value_use] => 0 [validation] => RAW [auto_value] => 0 [auto_value_code] => fields; if ( !isset($F['fieldname01']) ) return array('fieldname01 field not found'); $vals = array(); foreach($F['fieldname01']->postdata as $i => $v) { $vals[$i] = 'Auto : ' . $v; } return $vals; [display_label_form] => 1 [label_form] => [no_acc_msg_form] => [use_html] => 1 [placeholder] => [maxlength] => [rows] => 3 [cols] => 80 [editor] => [width] => 98% [height] => 150px [show_buttons] => 0 [import_fv_remap_mode] => 0 [import_fv_remap] => [import_fv_ccode_mode] => 0 [import_fv_ccode] => parameters->get('some_param'); foreach($values as $i => $v) { $values[$i] = 'Example ' . $i . ' : ' . $v; } return $values; [display_label] => 1 [show_acc_msg] => 0 [no_acc_msg] => [include_in_csv_export] => 0 [csv_strip_html] => 0 [viewlayout] => default [lang_filter_values] => 0 [encode_output] => 0 [clean_output] => 0 [cut_text_catview] => 0 [cut_text_length_catview] => 200 [cut_text_display_catview] => 0 [cut_text_display_btn_icon_catview] => icon-paragraph-center [cut_text_display_btn_text_catview] => ... [prx_sfx_open_close_configs] => [remove_space] => 0 [pretext] => [posttext] => [separatorf] => 1 [opentag] => [closetag] => [trigger_onprepare_content] => 0 [trigger_plgs_incatview] => 0 [microdata_itemprop] => [useogp] => 0 [ogpusage] => 1 [ogpmaxlen] => 300 [display_label_filter] => 2 [display_filter_as] => 1 [display_label_filter_s] => 2 [display_filter_as_s] => 1 [editorarea_per_tab] => 0 [start_of_tabs_pattern] => [end_of_tabs_pattern] => [start_of_tab_pattern] => [end_of_tab_pattern] => [title_tab_pattern] => [force_beforetabs] => 1 [force_aftertabs] => 1 [allow_tabs_code_editing] => 1 ) [initialized:protected] => 1 [separator:protected] => . ) [display] =>

© Valerii Honcharuk / Adobe Stock

[raw_values] => Array ( [0] =>

© Valerii Honcharuk / Adobe Stock

) [basic_texts] => Array ( ) )

Sortir d’une posture défensive et engager la scientifisation du travail social représente une étape clé pour renforcer son rôle stratégique dans les mutations sociales et politiques en cours.

Par Romain Descloux, maître d’enseignement, Aline Félix, assistante HES, et Stéphane Rullac, professeur ordinaire, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HES-SO) [1]

Dans un article publié récemment dans la Revue suisse de travail social, Annamaria Colombo propose une contribution essentielle à la réflexion sur la disciplinarisation du travail social en Suisse romande et, plus largement, en Francophonie (2025). Sa démarche vise à fournir des repères scientifiques pour clarifier les contours encore mouvants de cet espace disciplinaire en constante renégociation dans la sphère académique. L’une des grandes forces de cet article est d’articuler avec finesse les enjeux scientifiques, professionnels et politiques qui traversent le champ du travail social aujourd’hui, pour en affirmer définitivement la légitimité académique.

Colombo commence par rappeler les débats présents dans la littérature francophone : le travail social est-il une science pratique, une discipline interdisciplinaire, une science participative ? En mobilisant les concepts proposés par Aurélie Maugère (2023), notamment l’idée que le travail social prend pour objet la relation dynamique entre individu et environnement social, elle offre une lecture critique qui dépasse les dichotomies habituelles. Elle souligne ainsi que, si le travail social doit rester ancré dans la pratique professionnelle, ses connaissances ne sauraient se limiter à l’analyse de cette pratique : elles doivent également interroger les réalités sociales sous-jacentes, dans une démarche à la fois critique et transformatrice.

L’autre apport central de l’article repose sur la notion de praxis, qui est une science de l’action, comme pilier de la disciplinarité du travail social (Maugère, 2023, cité dans Colombo, 2025). Colombo défend ici une vision du travail social comme projet scientifique engagé, éthiquement orienté vers la justice sociale et le vivre-ensemble. Cette posture implique que la recherche en travail social soit non seulement au service de l’intervention professionnelle, mais également d’un « besoin social » (Heijboer & Rullac, 2022) plus large, défini en termes concrets par les dynamiques entre individus et société. Elle met en garde contre les dérives possibles d’une injonction à la participation, qui pourrait paradoxalement servir davantage les chercheurs·se que les publics concernés.

Enfin, Colombo aborde avec lucidité les tensions qui freinent encore aujourd’hui l’affirmation de l’identité disciplinaire du travail social, notamment en Suisse romande. La diversité des profils des enseignant·es et chercheur·es, souvent venus d’autres disciplines, rend délicate toute tentative de délimitation plus nette du champ. En appelant à une discussion collective, elle invite les Haute écoles de Suisse romande à se reconnaitre dans l’identité disciplinaire du travail social, et donc à participer à la construire, dans une fidélité aux valeurs fondatrices de la profession du travail social.

Pourquoi reconnaitre une discipline qui existe déjà ?

En tant que contribution scientifique destinée au champ académique et professionnel, cet article présente un grand intérêt. En Francophonie, il s’inscrit comme une étape importante dans le processus de disciplinarisation secondaire du travail social (Hofstetter & Schneuwly, 1999), qui repose sur la légitimité scientifique d’un champ construit historiquement sur une profession. L’approche défendue par Annamaria Colombo s’inscrit pleinement dans cette perspective, qui consiste à produire des savoirs pour enrichir et consolider cette légitimité première, sans en effacer la spécificité. Ce respect scientifique de la profession et ses parties prenantes, en tant que praxis, est suffisamment rare pour être souligné et salué. Pourtant, la démonstration brillante de Colombo marque à la fois une avancée scientifique irréversible en francophonie, et illustre simultanément la faiblesse actuelle de la disciplinarisation du travail social.

En effet, que penser d’un article scientifique qui pose encore la question de l’existence de la discipline du travail social, alors que depuis 2014 l’Association internationale des écoles de travail social affirme clairement que « le travail social est une pratique professionnelle et une discipline académique » (IASSW, 2014) ? Notons également que la première conférence internationale du service social à Paris, en 1928, évoquait déjà la perspective de créer une discipline dédiée à l’étude scientifique de ce champ professionnel en émergence (Delaunay, 2007). La rhétorique interrogative montre la difficulté majeure de la communauté scientifique francophone du travail social à sortir d’une identité épistémologique initialement obtenue au travers d’autres disciplines. C’est d’ailleurs pour pallier cette difficulté, tout à fait compréhensible à l’échelle individuelle, comme le souligne également Colombo, que la Suisse romande a créé en 2022 l’Institut transdisciplinaire du travail social (ITSS), fruit d’une coopération entre la HES-SO et l’Université de Neuchâtel, pour préparer un doctorat en travail social. A ce sujet, la disciplinarisation du travail social sera bien avancée quand les Hautes écoles, les enseignant·es et les chercheur·es de ce champ académique considéreront les autres disciplines comme contributives.

En la matière, l’article d’Annamaria Colombo marque une pierre blanche dans la disciplinarisation du travail social, tout en montrant encore le chemin à parcourir. Affirmons ici que le succès de ce processus devient urgent, tant nos sociétés ont besoin du travail social pour faire face aux crises multiples et participer à la réalisation des diverses transitions existentielles.

Assumer pleinement le travail social comme une discipline

Plutôt que de continuer à interroger la légitimité disciplinaire du travail social, il devient impératif d’en reconnaître pleinement le statut. Cette reconnaissance ne suppose plus d’arbitrer entre une légitimité scientifique et une audace processionnelle : elle devient un levier stratégique pour renforcer l’ancrage professionnel, académique et politique de ce champ hybride. Le débat ne porte donc plus sur la possibilité d’une disciplinarisation, mais sur les conditions concrètes de son actualisation, en prise directe avec les mutations sociales et professionnelles.

Dans un contexte de crises systémiques (sociales, écologiques, démocratiques), les professionnel·les et les parties prenantes du travail social sont en position stratégique pour produire des diagnostics ancrés et des lectures critiques des rapports sociaux. Cela suppose d’assumer une expertise théorique, méthodologique et éthique, issue de formations exigeantes et nourrie par l’expérience de terrain. Le travail social ne peut plus être perçu comme un simple domaine d’application : il est un champ de savoirs originaux contribuant à l’intelligibilité et à la durabilité du monde contemporain.

Comme le souligne justement Colombo, cette disciplinarisation s’appuie sur une épistémologie située et une coproduction des savoirs en lien avec les personnes concernées (Heijboer & Rullac, 2022). Loin de tout scientisme, cette modalité contemporaine de production articule l’analyse des systèmes sociaux, transformation des pratiques d’intervention et diffusion des réalités vécues. Reconnaître cette disciplinarisation, c’est affirmer une capacité collective à problématiser le social depuis ses marges, à élaborer des concepts opératoires et à en faire des outils d’émancipation.

La disciplinarisation est alors porteuse d’une forme d’indisciplinarité (Félix, 2024), tant elle implique aussi une transformation des représentations internes à la profession. Il ne s’agit plus de solliciter une reconnaissance, mais d’incarner pleinement une posture intellectuelle autonome, ancrée dans la praxis et capable de produire des expertises hybrides et situées. Sortir d’une posture défensive implique ainsi de s’engager collectivement à relever le défi de la scientifisation du champ. En cela, les professionnel·les et les parties prenantes sont appelées à contribuer à ce processus, qui repose en grande partie sur l’innovation sociale pour soutenir méthodiquement l’adéquation des dispositifs et des valeurs humaines. Au-delà des chercheur·ses, le véritable point de tension actuel est d’amener les professionnel·les à participer pleinement au processus de disciplinarisation, en résistant aux injonctions très fortes du libéralisme qui tentent de régenter les dispositifs d’action sociale.

Assumer le travail social comme discipline, c’est refuser de choisir entre action et réflexion. C’est, comme le propose Rullac (2025), faire du travail social la discipline du XXIe siècle : engagée, transversale, à la croisée des sciences humaines, du civisme et de la transformation sociale. Dans ce sens, la disciplinarisation n’est pas un aboutissement, mais un moyen de conquérir l’espace intellectuel et politique qui revient au travail social et aux acteurs et actrices qui le constituent.

Références

[1] Romain Descloux et Aline Félix sont également doctorant·e, Institut transdisciplinaire du travail social, Université de Neuchâtel

Comment citer cet article ?

Romain Descloux et al., «De l’urgence d’affirmer la discipline travail social», REISO, Revue d'information sociale, publié le 30 octobre 2025, https://www.reiso.org/document/14754