Des tabous au sida: l’éducation sexuelle à l’écran

Lundi 02.06.2025
stdClass Object ( [id] => 45 [asset_id] => 1139 [field_type] => textarea [name] => article_copyright [label] => Copyright [description] => [isfilter] => 0 [isadvfilter] => 0 [iscore] => 0 [issearch] => 1 [isadvsearch] => 0 [untranslatable] => 0 [formhidden] => 0 [valueseditable] => 0 [edithelp] => 2 [positions] => [published] => 1 [attribs] => {"use_ingroup":"0","allow_multiple":"0","add_position":"3","max_values":"0","required":"0","default_value":"","default_value_use":"0","validation":"RAW","auto_value":"0","auto_value_code":"fields;\r\nif ( !isset($F['fieldname01']) ) return array('fieldname01 field not found');\r\n\r\n$vals = array();\r\nforeach($F['fieldname01']->postdata as $i => $v)\r\n{\r\n $vals[$i] = 'Auto : ' . $v;\r\n}\r\n\r\nreturn $vals;","display_label_form":"1","label_form":"","no_acc_msg_form":"","use_html":"1","placeholder":"","maxlength":"","rows":"3","cols":"80","editor":"","width":"98%","height":"150px","show_buttons":"0","import_fv_remap_mode":"0","import_fv_remap":"","import_fv_ccode_mode":"0","import_fv_ccode":"parameters->get('some_param');\r\n\r\nforeach($values as $i => $v)\r\n{\r\n $values[$i] = 'Example ' . $i . ' : ' . $v;\r\n}\r\n\r\nreturn $values;","display_label":"1","show_acc_msg":"0","no_acc_msg":"","include_in_csv_export":"0","csv_strip_html":"0","viewlayout":"default","lang_filter_values":"0","encode_output":"0","clean_output":"0","cut_text_catview":"0","cut_text_length_catview":"200","cut_text_display_catview":"0","cut_text_display_btn_icon_catview":"icon-paragraph-center","cut_text_display_btn_text_catview":"...","prx_sfx_open_close_configs":"","remove_space":"0","pretext":"","posttext":"","separatorf":"1","opentag":"","closetag":"","trigger_onprepare_content":"0","trigger_plgs_incatview":"0","microdata_itemprop":"","useogp":"0","ogpusage":"1","ogpmaxlen":"300","display_label_filter":"2","display_filter_as":"1","display_label_filter_s":"2","display_filter_as_s":"1","editorarea_per_tab":"0","start_of_tabs_pattern":"","end_of_tabs_pattern":"","start_of_tab_pattern":"","end_of_tab_pattern":"","title_tab_pattern":"","force_beforetabs":"1","force_aftertabs":"1","allow_tabs_code_editing":"1"} [checked_out] => 0 [checked_out_time] => 0000-00-00 00:00:00 [access] => 1 [ordering] => 42 [has_access] => 1 [item_id] => 14198 [value] => Array ( [0] =>

© RTS, TéléScope, 22.04.1992

) [parameters] => Joomla\Registry\Registry Object ( [data:protected] => stdClass Object ( [use_ingroup] => 0 [allow_multiple] => 0 [add_position] => 3 [max_values] => 0 [required] => 0 [default_value] => [default_value_use] => 0 [validation] => RAW [auto_value] => 0 [auto_value_code] => fields; if ( !isset($F['fieldname01']) ) return array('fieldname01 field not found'); $vals = array(); foreach($F['fieldname01']->postdata as $i => $v) { $vals[$i] = 'Auto : ' . $v; } return $vals; [display_label_form] => 1 [label_form] => [no_acc_msg_form] => [use_html] => 1 [placeholder] => [maxlength] => [rows] => 3 [cols] => 80 [editor] => [width] => 98% [height] => 150px [show_buttons] => 0 [import_fv_remap_mode] => 0 [import_fv_remap] => [import_fv_ccode_mode] => 0 [import_fv_ccode] => parameters->get('some_param'); foreach($values as $i => $v) { $values[$i] = 'Example ' . $i . ' : ' . $v; } return $values; [display_label] => 1 [show_acc_msg] => 0 [no_acc_msg] => [include_in_csv_export] => 0 [csv_strip_html] => 0 [viewlayout] => default [lang_filter_values] => 0 [encode_output] => 0 [clean_output] => 0 [cut_text_catview] => 0 [cut_text_length_catview] => 200 [cut_text_display_catview] => 0 [cut_text_display_btn_icon_catview] => icon-paragraph-center [cut_text_display_btn_text_catview] => ... [prx_sfx_open_close_configs] => [remove_space] => 0 [pretext] => [posttext] => [separatorf] => 1 [opentag] => [closetag] => [trigger_onprepare_content] => 0 [trigger_plgs_incatview] => 0 [microdata_itemprop] => [useogp] => 0 [ogpusage] => 1 [ogpmaxlen] => 300 [display_label_filter] => 2 [display_filter_as] => 1 [display_label_filter_s] => 2 [display_filter_as_s] => 1 [editorarea_per_tab] => 0 [start_of_tabs_pattern] => [end_of_tabs_pattern] => [start_of_tab_pattern] => [end_of_tab_pattern] => [title_tab_pattern] => [force_beforetabs] => 1 [force_aftertabs] => 1 [allow_tabs_code_editing] => 1 ) [initialized:protected] => 1 [separator:protected] => . ) [display] =>

© RTS, TéléScope, 22.04.1992

[raw_values] => Array ( [0] =>

© RTS, TéléScope, 22.04.1992

) [basic_texts] => Array ( ) )

À travers ses archives, la RTS éclaire l’évolution de l’éducation sexuelle en Suisse romande entre 1965 et 2000, dans un contexte de bouleversements sociaux, sanitaires et médiatiques. De quoi comprendre les racines de la santé sexuelle d’aujourd’hui.

Par Thierry Delessert, Équipe de recherche en histoire sociale de l'éducation, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, Université de Genève.

À travers ses archives, la RTS éclaire l’évolution de l’éducation sexuelle en Suisse romande entre 1965 et 2000, dans un contexte de bouleversements sociaux, sanitaires et médiatiques. De quoi comprendre les racines de la santé sexuelle d’aujourd’hui.

Comment l’éducation sexuelle a-t-elle été traitée par la Radio-Télévision suisse romande (RTS) entre la moitié des années 1960 et la fin du XXe siècle ? Deux Dossiers grand format publiés sur le site des archives de la Radio-Télévision suisse romande (RTS) retracent l’histoire de l’institutionnalisation de l’éducation sexuelle scolaire en Suisse romande avant la fin du XXe siècle [1]. Outils pédagogiques pour comprendre une histoire récente de manière contextualisée, ils croisent des sources sur l’éducation sexuelle et audiovisuelles au cours d’une période de profondes mutations sociétales. D’une part, la jeunesse et sa sexualité gagnent en intérêt durant ces années, ce qui mène au développement de politiques publiques spécifiques. De l’autre, la télévision romande devient le principal vecteur d’information. En sus, des acteurs·trices de prévention se mobilisent dans le but de valoriser un amour juvénile épanoui et responsable en dépit d’adversités. Et cela, lors de deux temporalités couvrant trois décennies : avant et après l’épidémie du sida.

Une jeunesse en cours de redéfinitions

Au début des années 1970, la jeunesse – les actuel·les Baby boomers – est perçue avec une certaine méfiance de la part des autorités helvétiques. Elle est présupposée être hédoniste, frondeuse face aux « grandes personnes », voire influencée négativement par son média préféré, la télévision. Un pessimisme générationnel qui ne va d’ailleurs pas sans rappeler les débats contemporains sur les réseaux sociaux.

Sur le plan des mœurs, plusieurs modifications légales se produisent avant le XXIe siècle. L’adolescence devient une catégorie spécifique, entre l’enfance (moins de 14 ans) et la majorité légale, fixée à 20 ans jusqu’en 1996. Les femmes sont admises, après une votation populaire exclusivement masculine, comme des citoyennes égales au niveau fédéral en 1971. Celles ayant un enfant hors mariage ne sont plus considérées comme « illégitimes » depuis 1978. Neuf ans plus tard, en 1987, les épouses obtiennent une égalité paritaire dans un couple marital. Enfin, le droit pénal en matière sexuelle entrant en vigueur en 1992 consacre le principe du consentement à une relation sexuelle.

Des mutations sociales précèdent ces modifications légales et influencent les développements successifs de l’éducation sexuelle. Citons brièvement ici le planning familial et les combats du Mouvement de libération des femmes, puis la prévention de l’épidémie du sida.

Montrer le moins visible

L’apport des sources audiovisuelles de la RTS permet de compléter de manière originale la problématique de la sexualité juvénile et de son éducation. En effet, la télévision prend un essor conséquent dès les années 1970, et acquiert une position dominante dans la formation de l’opinion publique. Le journalisme télévisuel gagne ainsi en ampleur en diffusant des enquêtes sur divers sujets de société.

Par ailleurs, la RTS est une filiale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision, un service public jouissant d’un monopole jusqu’en 1983 qui persiste dans sa lignée éducative et informationnelle avant l’apparition des réseaux sociaux [2]. La priorité informative et éducative de la RTS relève de son mandat de concession, d’une part. De l’autre, ce média se trouve dans une position dominante de fait, car longtemps l’unique télévision francophone captée dans les régions éloignées des frontières françaises et non câblées.

Cependant, l’intérêt de ses archives ne se limitent pas à ces constats. Les reportages de la RTS se sont montrés souvent audacieux en donnant la parole à des groupes marginalisés de l’espace public. Par exemple, le ministre de l’information à la tête des trois chaines de télévision françaises critique vertement sa petite consœur romande en mars 1974 pour avoir diffusé des reportages sur le planning familial, l’avortement, l’homosexualité, la prostitution et l’éducation sexuelle [3]. Des sujets alors interdits d’antenne en France, sauf s’il s’agit de les railler d’une manière plus ou moins humoristique.

Les premiers temps de l’éducation sexuelle

Analyser l’institutionnalisation de l’éducation sexuelle scolaire permet de revenir sur une histoire où la Suisse romande se révèle en pionnière. Ainsi, le Canton de Genève rend obligatoire l’éducation sexuelle scolaire dès 1965. Elle est prise en charge par la section Éducation sanitaire du Service de santé de la jeunesse du Département de l’instruction publique. Prodiguée par des médecins, elle est principalement centrée sur la biologie de la reproduction, dans le but de prévenir des grossesses précoces [4].

Peu après, en 1969, le Canton de Vaud autorise le Centre médico-social de Pro Familia à créer la Section d’éducation sexuelle de la jeunesse. Non obligatoires, les cours d’éducation sexuelle sont toutefois promus auprès des directions des écoles par le Département de l’instruction publique et des cultes [5]. Dans les deux cantons, les parents peuvent refuser par écrit la participation de leur enfant à de tels cours.

Afin de faire connaitre ses activités auprès d’un public élargi, la Section d’éducation sexuelle de la jeunesse vaudoise décide de collaborer avec les médias. Son approche pluridisciplinaire, compréhensive et non directive est montrée à l’écran, mais aussi diffusée sur les ondes de la radio. Avec un message novateur pour l’époque : même s’il s’agit de prévenir des grossesses non désirées, la sexualité est une affaire d’affirmation du droit au consentement de la part des jeunes femmes. En comparaison, les activités de la section genevoise ne sont pas médiatisées, vraisemblablement en raison du secret médical.

L’absence de médiatisation du côté genevois s’explique peut-être également par choix de ne pas créer des polémiques et des oppositions. En effet, l’exposition médiatique de Pro Familia mène à de vives controverses au cours des années 1970 [6], incitant la section vaudoise à se replier dans la discrétion. L’éducation sexuelle n’apparait dès lors que sporadiquement sur les écrans. La RTS continue parfois de diffuser le message d’une éducation juvénile informelle fondée sur des responsabilités sexuées partagées.

L’urgence sanitaire : le sida

En mai 1983, la RTS est le premier média romand à annoncer les premières contaminations par le virus du sida en Suisse. S’ensuit une série d’émissions plutôt circonspectes et scientifiques face à une presse de boulevard amplifiant la problématique. L’Office fédéral de la santé publique et l’Aide suisse contre le sida s’activent dans la prévention auprès des groupes jugés à risque, les homosexuels et les héroïnomanes. En dépit de ces efforts, l’OMS annonce en mars 1987 que la Suisse, la France et le Danemark figurent à la tête des contaminations par le virus. Le même mois, la campagne nationale Stop Sida est lancée. Des affiches promouvant le préservatif ou la fidélité sont placardées dans tout le pays. Plusieurs spots de prévention sont diffusés à la télévision.

La RTS se montre alors résolument proactive. Par des émissions pour les consommateurs·trices, d’approfondissements et à l’attention des jeunes, il se produit une rapide « deshomosexualisation » de la maladie. Car il survient un constat, partagé par l’Institut universitaire de médecine sociale et publique chargé du suivi de la campagne Stop Sida : les jeunes hétérosexuel·les ne veulent pas utiliser le préservatif. La « capote » est considérée comme une entrave à leur liberté sexuelle, et le sida est perçu comme une abstraction ne les concernant pas. Une prévention plus ciblée devient vitale.

Alors que l’éducation sexuelle avait disparu des écrans, elle apparait à nouveau. Cette médiatisation est la surface émergente de sa généralisation. En effet, en raison des impulsions de l’Office fédéral de la santé publique, tous les cantons se voient dans l’obligation de l’institutionnaliser [7]. Une contrainte morale – non légale en raison de leurs compétences en matière d’éducation et de santé – qui suscite parfois des résistances. Lorsqu’en 1996, les thérapies antirétrovirales sont autorisées de prescription, émerge alors une nouvelle problématique : les abus sexuels. Aux questions de santé publique, les droits sexuels consolident désormais l’éducation sexuelle [8].

Appréhender le passé

Alors que l’éducation sexuelle scolaire se voit remise en question en Suisse, ainsi que dans d’autres pays l’ayant institutionnalisée, les deux dossiers publiés sur le site des archives de la RTS proposent de comprendre et de saisir un passé récent, sans toutefois préjuger a posteriori. Premières valorisations d’une recherche financée par le Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités [9], ils invitent à se plonger au sein des racines de l’actuelle santé sexuelle. De comprendre aussi une forme d’histoire culturelle suisse romande, grâce à l’apport des archives de la RTS.

Certes, il s’agit de l’enseignement à une sexualité responsable selon des valeurs familialistes. Afin d’en bien prendre la mesure, mentionnons que la première émission de la RTS destinée à la jeunesse traitant des homosexualités date de début 2000.

Rappel historique

En 1970, n’existaient pas encore :

  • le sida (à partir des années 80)
  • les nouvelles IST
  • la loi sur l’égalité homme-femme (1996)
  • la loi dite du délai en matière d’avortement (2002)
  • la procréation médicalement assistée (PMA)
  • les questions de genre et d’identité transgenre
  • les mouvements LGBTQ
  • le mouvement MeToo (2006) et la notion d’« abus »
  • l’arrivée en Suisse de personnes immigrées non européennes.

À cette liste, il faut ajouter les questionnements écologiques et existentiels des jeunes générations actuelles : d’une part, l’émergence du choix « no-sex », soit la fin de la croyance en une sexualité nécessaire à l’épanouissement ; d’autre part, la grande question de la parentalité : peut-on, dans le monde actuel, encore vouloir faire des enfants ? Dans l’esprit des intervenant·es de 1970, de telles éventualités étaient tout simplement inimaginables.

(Mary Anna Barbey, publié initialement le 13 février 2025 sur REISO)

[1] « L’éducation sexuelle à la Radio-Télévision suisse romande (1964-1984) » ;  « La prévention du sida et l’institutionnalisation de l’éducation sexuelle de la jeunesse (1983-1997) »

[2] Mäusli Theo, Andreas Steigmeier (éds.), La radio et la télévision en Suisse. Histoire de la société suisse de radiodiffusion et télévision 1958-1983, Baden : HIER+JETZT, 2006.

[3] Tribune Le Matin, 14.03.1974, 3.

[4] Zottos Eléonore, Charles Beer, Chantal Renevey et al., Santé, jeunesse !  Histoire de la médecine scolaire à Genève : 1884-2004, Genève : Service de santé de la jeunesse, Office de la jeunesse, 2024.

[5] Cortolezzis Caroline, David Muheim, Éducation sexuelle en milieu scolaire vaudois (1965-1980), Lausanne : IUHMSP, 1997.

[6] Barbey Mary Anna, Éros en Helvétie, Genève, éditions des sauvages, 2009 [réédition de 1981].

[7] Spencer Brenda, Barbara So-Barazetti, Marie-Jo Glardon avec la collaboration de Séverine Scott, Politiques et pratiques cantonales en matière de prévention VIH/sida et l’éducation sexuelle à l’école, Raisons de santé, 66, Lausanne : IUMSP, 2001.

[8] Charmillot Maryvonne, Caroline Jacot-Descombes et Àgnes Földhazi, Droits humains et éducation sexuelle : Contexte, perceptions et pratiques, Genève : Éditions ies, 2021.

[9] Recherche Quand l’éducation sexuelle s’impose, années 1970-2000. Sexualités et télévision. L’auteur tient à remercier l’équipe des Archives de la RTS.


Lire également :

À consulter également : Dossier Grand format des archives de la RTS sur la lutte pour le droit à l’avortement

Comment citer cet article ?

Thierry Delessert, «Des tabous au sida: l’éducation sexuelle à l’écran», REISO, Revue d'information sociale, publié le 2 juin 2025,https://www.reiso.org/document/14198