Qu’est-ce que la profession infirmière?
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Pour mieux cerner les attentes des futur·e·s étudiant·e·s de Bacheror en soins infirmiers quant aux exigences et conditions de travail, une étude a exploré la vision du travail infirmier auprès des élèves en maturité «santé».
Par Audrey Genolet, maître d’enseignement HES, Haute école de santé, HES-SO Valais-Wallis, Sion
Selon la littérature scientifique, la profession infirmière comporte des conditions de travail difficiles, ainsi qu’une autonomie moins étendue que celle des autres membres de l’équipe interprofessionnelle [1]. Partant de là, une étude [2] interroge la vision du travail infirmier des étudiant·e·s en maturité spécialisée « santé » du Valais romand. En effet, les étudiant·e·s de la maturité santé représentant le bassin de recrutement des différentes formations Bachelor du domaine santé, leur vision peut impacter le recrutement des étudiant·e·s au Bachelor en soins infirmiers.
L’objectif consiste à mettre en évidence les aspects positifs, neutres et négatifs de la profession infirmière, tels qu’exprimés par les étudiant·e·s. Cette recherche constitue une analyse secondaire des rapports de stages des élèves de la promotion 2020-2021 gérée conjointement par la HES-SO Valais-Wallis et les Écoles de commerce et de culture générale [3] du Valais romand.
La démarche suit un devis de recherche mixte. Pour le volet quantitatif, le profil des étudiant·e·s, leur lieu de stage, leur choix professionnel, ainsi que leur vision de la profession infirmière sont présentés au moyen de statistiques descriptives simples (fréquences et pourcentages). Le volet qualitatif consiste en une analyse thématique des sections du rapport de stage portant sur la confirmation de poursuivre des études tertiaires dans le domaine de la santé, sur les difficultés rencontrées et sur la conclusion du document.
Les principaux résultats quantitatifs révèlent une vision essentiellement neutre. Chez les étudiant·e·s qui souhaitent effectuer un Bachelor en soins infirmiers généralistes, la vision passe de neutre à positive. Cette modification de vision est due en partie à l’intérêt de départ du jeune, mais également à l’immersion dans le lieu de stage. Parmi les treize indécis·e·s au sujet de leur choix professionnel, neuf étudiant·e·s envisagent de s’inscrire au Bachelor en soins infirmiers à la suite du stage. Pour les personnes qui désirent obtenir un Bachelor dans une autre profession de santé ou se former dans un domaine alternatif, la vision évolue de neutre à négatif. Là aussi, la conception initiale de la profession joue un rôle, ainsi que le stage et la comparaison entre la profession envisagée et les soins infirmiers. Le stage a ainsi permis aux quatre indécis·e·s restants de se positionner entre deux professions du domaine santé.
Les principaux résultats qualitatifs mettent en avant que la posture généraliste du personnel infirmier, réalisant aussi bien des soins techniques que relationnels, génère une vision positive. Les éléments appréhendés comme négatifs concernent la charge mentale, les horaires de travail, le contact avec la maladie, la nudité et les liquides biologiques.
Gestion du processus de soin
Le niveau d’autonomie des infirmières et infirmiers constitue également une appréhension négative, en référence au fait de ne pas pouvoir complètement s’exprimer dans l’équipe interprofessionnelle. La mise en place et la gestion du processus de soins (PSI), expression du rôle autonome infirmier [4] est, quant à elle, perçue comme neutre. Cela peut s’expliquer par un manque de compréhension : comme les étudiant·e·s ne sont pas encore formé·e·s au processus de soins, ils et elles n’y participent pas. Le fait que le champ de pratique de la profession infirmière se concrétise souvent de manière incomplète dans les lieux où les stages sont effectués peut également expliquer cela. Il faut toutefois garder en tête que les étudiant·e·s endossent un rôle subordonné durant leur stage de maturité, du fait qu’ils et elles ne sont pas encore inscrit·e·s à une formation Bachelor du domaine santé. Ces personnes ne sont donc pas entièrement autonomes durant leur stage, ce qui pourrait accentuer la vision d’une indépendance limitée du travail infirmier.
Un lien peut donc être établi entre les résultats de cette étude et l’initiative « Pour des soins infirmiers forts ». En effet, l’initiative décrit que de bonnes conditions de travail impliquent la mise en place de soins et surveillances adaptés auprès des individus [5]. Des conditions de travail adaptées promeuvent également la gestion du processus de soins dans les prises en soins, ainsi que l’importance de celui-ci dans les prises en soins interprofessionnelles. C’est en particulier le cas dans le contexte actuel de vieillissement de la population, lequel demande la gestion de situations complexes, tant en milieu hospitalier qu’extrahospitalier.
Le fait de valoriser les différents contextes de soins dans lesquels l’infirmier·ère peut travailler, auprès de populations complexes, en mettant en place des soins thérapeutiques (sur délégation du médecin ou non pour les infirmier·ère·s de pratique avancée), de promotion de la santé et des soins de transition pourrait éveiller l’intérêt, auprès des étudiant·e·s maturité santé, de s’inscrire à un Bachelor en soins infirmiers, ce qui aidera à renforcer la relève, l’un des autres buts de l’initiative « Pour des soins infirmiers forts ».
[1] Glerean et al. Young peoples' visions of the nursing profession: An integrative review. Nurse Education Today, 2017, Elsevier.
[2] Le rapport de recherche de cette étude n’a pas encore été rendu public.
[3] Les étudiant·e·s sont rattachés aux écoles de culture générale (ECCG), l’année de maturité faisant encore partie des études secondaires et non tertiaires. Cette formation est toutefois dispensée dans les locaux de la HES-SO.
[4] Selon la loi fédérale sur les professions de la santé.
[5] Arrêté fédéral relatif à l’initiative populaire « Pour des soins infirmiers forts (initiative sur les soins infirmiers) », (2021). Confédération suisse. Livret votation 28 novembre 2021. Bern; 2021. Message relatif à l’initiative populaire «Pour des soins infirmiers forts (initiative sur les soins infirmiers)», (2018).
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Audrey Genolet, «Qu’est-ce que la profession infirmière?», REISO, Revue d'information sociale, publié le 27 avril 2023, https://www.reiso.org/document/10654