Renforcer les droits des enfants placés
Après l’analyse des points positifs et des lacunes en matière de placement extra-familial dans les cantons, de nouvelles recommandations ont été émises afin de consolider les droits des principaux·ales intéressé·e·s.
Par Diana Wider, secrétaire générale de la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes et Gaby Szöllösy, secrétaire générale de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales
En Suisse, quelque 18’000 enfants vivent dans une famille nourricière ou une institution. Deux tiers des placements s’effectuent de manière volontaire, c’est-à-dire qu’ils sont organisés par les parents, souvent en collaboration avec les services sociaux, les autorités scolaires ou d’autres services professionnels. Un tiers d’entre eux sont ordonnés par une autorité de protection de l’enfant.
La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales et la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes ont publié en janvier 2021 de nouvelles recommandations sur ce thème à l’attention principalement des responsables de la politique de l’enfance et de la jeunesse dans les cantons. Ces recommandations sont entrées en vigueur immédiatement.
Les raisons du placement peuvent résulter de besoins particuliers de l’enfant, comme lors de situations de handicap. Elles peuvent aussi être dues à l’incapacité des parents à s’occuper de leur progéniture, notamment si ces derniers souffrent de troubles psychiques, d’une toxicomanie ou qu’ils ne parviennent plus à gérer leur éducation. La loi règle la procédure des placements ordonnés, tandis que les exigences légales s’avèrent moins nombreuses lors de placements volontaires. Un placement constitue toujours une mesure incisive dans la vie des enfants concernés. Il est donc indispensable d’établir des standards afin d’organiser le mieux possible cette intervention.
Renforcer la participation
Les recommandations accordent ainsi une place centrale à l’enfant et à ses besoins. Parmi les éléments essentiels figure le renforcement de la participation des principaux et principales intéressées. Ces directives illustrent de quelle manière celle-ci peut et doit être mise en œuvre dans le cadre de la procédure.
Il s’agit tout d’abord de créer les conditions propices à la participation. Un enfant placé·doit être informé et pouvoir exprimer, dès le début, ce qui est important pour lui ou elle. Il revient aux cantons de garantir qu’il soit informé le plus tôt possible de ses droits. Les professionnel·le·s impliqué·e·s doivent recourir aux possibilités de participation et les exploiter. Il n’est donc pas question de savoir si la participation doit avoir lieu, mais de quelle manière.
Garantir la participation ne se limite toutefois pas à auditionner l’enfant. Cela implique aussi la nécessité de l’informer de toutes les décisions qui peuvent avoir un impact sur sa vie quotidienne. Lui donner la possibilité d’avoir une personne de référence en laquelle il a confiance et qui peut le représenter si nécessaire est également une condition sine qua non.
Une disposition de l’Ordonnance fédérale sur le placement d’enfants (OPE) prévoit d’ores et déjà que chaque jeune placé·e se voie attribuer une personne de confiance à laquelle il peut s’adresser en cas de questions ou de problèmes. Cette disposition n’est cependant que peu appliquée dans la pratique, car le concept est jugé flou par les professionnel·le·s qui craignent souvent que cet acteur supplémentaire dans le réseau représente davantage un fardeau qu’une aide. Il demeure toutefois important de vérifier que l’enfant dispose dans son entourage d’une telle ressource, que le placement soit volontaire ou ordonné. Les tâches et le rôle de cette personne, le but de la mesure et le contrôle de sa mise en œuvre ont été précisés dans les recommandations, ce qui n’avait pas été fait jusqu’alors.
Le droit aux prestations et aux mesures en protection de l’enfant est en principe valable jusqu’à la majorité. Toutefois, une soudaine interruption du soutien lors du 18e anniversaire n’est souvent pas justifiable du point de vue professionnel. La période entre 18 et 25 ans est en effet importante dans la vie puisque c’est en général à ce moment-là qu’a lieu le passage de l’école et de la formation au monde du travail et à une vie indépendante.
Tout juste majeur·e·s, ces adultes font alors face à des défis particuliers. Sur le plan juridique, les conditions-cadres de leur placement se modifient effectivement à la majorité. Le besoin de soutien ne cessant généralement pas totalement à leurs 18 ans, la Conférence des directrices et directeurs des affaires sociales et la Conférence en matière de protection des mineurs et des adultes recommandent concrètement aux cantons de les soutenir financièrement, si nécessaire, au-delà de leur majorité. Les instances conseillent de prolonger ces aides jusqu’au terme d’une première formation, respectivement jusqu’à ce qu’ils et elles soient capables de vivre de manière autonome.
Tirer les leçons du passé
Les recommandations apportent également des réponses face à des critiques exprimées à l’égard de certaines pratiques professionnelles passées. Elles soulignent avant tout que les manquements tels qu’ils se sont produits avant 1981, avec les mesures coercitives à des fins d’assistance, ne sont aujourd’hui plus concevables. Dès lors, elles visent à renforcer la transparence et présentent des standards susceptibles de servir d’instruments appropriés, tant au niveau technique que politique.
Enfin, les directives précisent plusieurs points sur lesquels la Suisse a été critiquée par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU au sujet du placement extra-familial. Il est notamment question ici du droit de l’enfant d’exprimer son opinion librement sur toute question le concernant, de la formation des professionnel·le·s afin d’assurer la participation effective des jeunes ou encore des statistiques sur le placement extra-familial. La récolte des données doit encore être améliorée sur le plan national. La mise en œuvre de ces textes dans les cantons permettra d’apporter une réponse à une partie de ces critiques.
Les recommandations établissent des normes de qualité valables dans toute la Suisse. Des ajustements d’ordre juridique et organisationnel sont nécessaires en fonction du canton, qui définit lui-même le rythme et les priorités de la mise en œuvre. Il est fondamental que les professionnel·le·s impliqué·e·s, à l’image des services sociaux, des services de curatelles professionnels, des écoles ou des centres de consultation, collaborent bien et mettent la perspective de l’enfant au centre de leur travail commun.
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Diana Wider et Gaby Szöllösy, « Renforcer les droits des enfants placés », REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 6 mai 2021, https://www.reiso.org/document/7383