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Comme il est difficile d’être parent aujourd’hui : mon enfant va-t-il réussir à l’école, sera-t-il heureux dans sa vie adulte, puis-je lui éviter de faire des erreurs ?
Les éducateurs qui sont à l’origine de ce livre ont longtemps été tentés de trouver des stratégies pour maîtriser ces risques, mais on ne peut pas « contrôler » les jeunes. Cette impuissance n’est pas un signe de défaut de maîtrise, et encore moins d’échec. Il s’agit tout simplement de la réalité !
C’est justement en partant de ce constat que les éducateurs ont pu commencer à oser prendre le risque de restituer aux jeunes la possibilité de faire usage de leur libre-arbitre. Il n’y a pas d’apprentissage de l’indépendance pour les jeunes, sans prise de risques éducatifs pour les adultes. L’expérience qu’ils ont voulu raconter dans ce livre est celle d’un changement profond dans leur manière d’aborder l’éducation. Et plus exactement d’un changement d’état d’esprit qui se traduit par une attitude de non-jugement et de bienveillance.
Ce livre est le résultat d’une immersion au foyer du Grand-Saconnex, géré par la Fondation Officielle de la Jeunesse (FOJ). L’équipe éducative composée alors de Bruno Chevrey, Sandro Reginelli, Bastien Carrillo, Isabelle Aurora, Frank Wunderlich, Geneviève Gilliand, Florence Crisinel, Patricia Cerqueira d’Onofrio et Mireille Chenevard a ouvert les portes du foyer à la journaliste indépendante Francesca Sacco afin de restituer sur papier l’expérience faite avec une nouvelle méthode éducative basée sur la prise de risque.
Francesca Sacco est journaliste indépendante et correspondante pour une dizaine de journaux suisses et français. La Fondation Officielle de la Jeunesse lui a laissé carte blanche pour la rédaction de ce livre.
Editions L’Instant Présent
Nous sommes professeurs en Seine-Saint-Denis. Intellectuels, adultes, libertaires, nous avons appris à nous passer de Dieu et à détester le pouvoir. Nous n’avons pas d’autre maître que le savoir. Ce discours nous rassure et notre statut social le légitime. Ceux de Charlie Hebdo nous faisaient rire ; nous partagions leurs valeurs. En cela, cet attentat nous prend pour cible. Même si aucun d’entre nous n’a jamais eu le courage de tant d’insolence, nous sommes meurtris. Nous sommes Charlie pour cela.
Mais faisons l’effort d’un changement de point de vue, et tâchons de nous regarder comme nos élèves nous voient. Nous sommes bien habillés, confortablement chaussés, ou alors très évidemment au-delà de ces contingences matérielles qui font que nous ne bavons pas d’envie sur les objets de consommation dont rêvent nos élèves : si nous ne les possédons pas, c’est peut-être aussi parce que nous aurions les moyens de les posséder.
Nous partons en vacances, nous vivons au milieu des livres, nous fréquentons des gens courtois et raffinés. Nous considérons comme acquis que La Liberté guidant le peuple et Candide font partie du patrimoine de l’humanité. On nous dira que l’universel est de droit, et non de fait, et que de nombreux habitants de cette planète ne connaissent pas Voltaire ? Quelle bande d’ignares… Il est temps qu’ils entrent dans l’Histoire : le discours de Dakar le leur a déjà expliqué. Quant à ceux qui viennent d’ailleurs et vivent parmi nous, qu’ils se taisent et obtempèrent.
Des crimes odieux qui parlent français
Si les crimes commis par ces assassins sont odieux, ce qui est terrible, c’est qu’ils parlent français, avec l’accent des jeunes de banlieue. Ces deux assassins sont comme nos élèves. Le traumatisme, pour nous, c’est aussi d’entendre cette voix, cet accent, ces mots. Voilà ce qui nous a fait nous sentir responsables.
Nous, c’est-à-dire les fonctionnaires d’un Etat défaillant, nous, les professeurs d’une école qui a laissé ces deux-là et tant d’autres sur le bord du chemin des valeurs républicaines, nous, citoyens français qui passons notre temps à nous plaindre de la hausse des impôts, nous contribuables qui profitons des niches fiscales quand nous le pouvons, nous qui avons laissé l’individu l’emporter sur le collectif, nous qui ne faisons pas de politique ou raillons ceux qui en font, etc. : nous sommes responsables de cette situation.
Ceux de Charlie Hebdo étaient nos frères, tout comme l’étaient les juifs tués pour leur religion, porte de Vincennes, à Paris : nous les pleurons. Leurs assassins étaient orphelins, placés en foyer : pupilles de la nation, enfants de France. Nos enfants ont donc tué nos frères. Telle est l’exacte définition de la tragédie. Dans quelque culture que ce soit, cela provoque ce sentiment qui n’est jamais évoqué depuis quelques jours : la honte.
Dire la honte, en assumer la responsabilité
Alors, nous disons notre honte. Honte et colère : voilà une situation psychologique bien plus inconfortable que chagrin et colère. Si on a du chagrin et de la colère, on peut accuser les autres. Mais comment faire quand on a honte et qu’on est en colère contre les assassins, mais aussi contre soi ?
Personne, dans les médias, ne dit cette honte. Personne ne semble vouloir en assumer la responsabilité. Celle d’un Etat qui laisse des imbéciles et des psychotiques croupir en prison et devenir le jouet des manipulateurs, celle d’une école qu’on prive de moyens et de soutien, celle d’une politique de la ville qui parque les esclaves (sans papiers, sans carte d’électeur, sans nom, sans dents) dans des cloaques de banlieue. Celle d’une classe politique qui n’a pas compris que la vertu ne s’enseigne que par l’exemple.
Nous sommes aussi les parents de trois assassins
Intellectuels, penseurs, universitaires, artistes, journalistes : nous avons vu mourir des hommes qui étaient des nôtres. Ceux qui les ont tués sont enfants de France. Alors, ouvrons les yeux sur la situation, pour comprendre comment on en arrive là, pour agir et construire une société débarrassée du racisme et de l’antisémitisme, laïque et cultivée, plus juste, plus libre, plus égale, plus fraternelle.
« Nous sommes tous Charlie, juifs, policiers… », peut-on porter au revers. Mais s’affirmer dans la solidarité avec les victimes ne nous exemptera pas de la responsabilité collective de ce meurtre. Nous sommes aussi les parents de trois assassins.
Catherine Robert, Isabelle Richer, Valérie Louys et Damien Boussard
Publié notamment par le blog du Monde Diplomatique « Nouvelles d’Orient », le 12 janvier 2015, et par Le Monde du 13 janvier.
À en croire les fictions cinématographiques et littéraires, les personnages affligés par une défiguration sont placés devant un cruel dilemme : se cacher, ou du moins dissimuler leur disgrâce, ou, plus rarement, l’afficher ostensiblement.
Or, les progrès de la médecine permettent de sauver un plus grand nombre de grands accidentés, même s’ils sont presque entièrement brûlés. On pourrait alors penser que la médecine ne se préoccupe guère de la vie posthospitalisation.
À dire vrai, on ne dispose que de peu de données sur le vécu des personnes défigurées. Ce livre comble cette lacune en laissant une large place aux propos de celles et ceux qui ont vécu une atteinte sévère de la face ; il permet ainsi au lecteur "d’endosser" la perspective de qui est regardé, stigmatisé, de se placer donc en rupture avec le point de vue plus habituel et banal de celui qui regarde.
Si l’attention s’est portée sur l’expérience vécue de grands brûlés de la face, elle n’est pas "confinée" à ce groupe. Ce livre s’ouvre à toute personne, tout groupe d’individus stigmatisés dérogeant temporairement ou de manière permanente à une norme corporelle.
Site internet Antipodes
Le revenu de base inconditionnel consiste en une allocation mensuelle, versée à chaque citoyen, suffisante pour permettre une existence digne. Le revenu de base se substitue jusqu’à hauteur de son montant aux revenus de l’activité lucrative ou aux prestations sociales qu’il remplace. Octroyé sans condition, il rend inutiles les mesures de contrôle. Il permet une répartition de l’emploi choisie plutôt que subie, n’induit aucun effet de seuil freinant l’insertion professionnelle et encourage l’esprit d’entreprise.
Au sommaire :
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Percevoir les désaccords comme une opportunité de changement, c’est ce que propose le Centre pour l’action non-violente dans un atelier sur la résolution non-violente des conflits, le 18 mai à Lausanne. Inscriptions en ligne.