Le projet «Tissons la toile : un modèle de coordination de proximité pour lutter contre l’isolement social des seniors» montre l’importance de l’échelon communal dans le maintien de liens sociaux pour les seniors.
Dans le contexte du vieillissement de la population et dans la perspective du maintien à domicile, le risque d’isolement social des seniors devient un enjeu prioritaire. Pour prévenir ce risque, il faut agir dans la proximité sur le lien social : le tisser, le renforcer et le maintenir pour faire société en impliquant l’ensemble des actrices et des acteurs concerné∙es.
Menée conjointement par la Haute école de santé et la Haute école de travail social de Genève, dans une volonté d’articulation santé-social, sur mandat et en partenariat avec la Plateforme du réseau seniors Genève, une recherche-action a eu comme objectif d’expérimenter, à l’échelle du quartier de Champel, des modalités de coordination de proximité afin de lutter contre l’isolement social des seniors. La force du dispositif se trouve dans l’intégration, aux côtés des professionnel∙les, des actrices et acteurs informel∙les du quartier qui détiennent une part essentielle de l’expertise de proximité (les commerces, le voisinage, etc.). L’originalité du projet réside dans la création d’un modèle de coordination portant spécifiquement sur la prévention et la lutte contre l’isolement social.
Le projet s’inscrit dans un contexte genevois particulièrement propice. La lutte contre l’isolement social ne peut être menée et dupliquée qu’à une échelle locale, comme celle d’un quartier où les actrices et les acteurs de proximité peuvent s’identifier, tisser des partenariats et des liens de confiance durables et finalement se coordonner. Menée durant deux ans, la recherche montre l’importance de partir du local et de l’existant, car chaque quartier bénéficie d’une riche offre d’actions, de prestations, d’actrices et d’acteurs qui lui est propre. Par conséquent, l’échelon communal est identifié comme le niveau idéal pour pouvoir agir dans la proximité : la commune est experte de son territoire, elle connaît ses habitant∙es et les accompagne dans toutes les étapes de la vie.
(Source : HETS-GE)
En savoir plus (rapport de synthèse et rapport complet de la recherche action)
L’économiste anglaise et autrice Kate Raworth a parlé de son modèle du «donut» le 19 février dernier à l’Université de Lausanne. Retour sur une soirée aux réflexions incontournables pour assurer le «vivre ensemble» futur.
Le modèle du « Donut » développé par Kate Raworth entend assurer pour tou·tes une existence digne, située entre un plancher social indispensable, répondant aux besoins fondamentaux, et un plafond déterminé par la durabilité écologique. Dans l’activité d’une société, il s’agit donc de respecter les limites planétaires pour ne pas dépasser ce plafond.
Le 19 février, l’économiste anglaise a tenu une conférence à l’Université de Lausanne, dans le cadre de la série de conférences Dubochet. Joignant les actes à la parole, Kate Raworth a présenté par vidéo, évitant ainsi un vol supplémentaire, un exposé novateur, éclairant. L’éloignement n’a rien enlevé à la vivacité du propos de cette personnalité charismatique, sérieuse et souriante, ni au débat qui a suivi. Pour cette deuxième partie, Camille Gilloots, du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL, et Julia Steinberger[1], une autrice principale du dernier Rapport du GIEC, étaient également conviées.
L’autrice de l’ouvrage La théorie du donut : l’économie de demain en 7 principes[2] insiste sur l’importance de remplacer le sacro-saint PIB comme étalon de la performance économique, dont elle souligne l’inanité dans les circonstances actuelles [3]. Comme le modèle (néo-)libéral dont il est issu, le PIB — qui comptabilise comme productives, par exemple, les ressources dédiées à la limitation et au traitement des pollutions et autres externalités négatives de l’activité humaine — ne répond pas aux exigences de transparence et surtout de pertinence de notre temps anthropocène. Kate Raworth fustige le fait que la grande majorité des Facultés d’économie et Business Schools restent accros aux lois du marché à l’ancienne, au mantra de l’offre et de la demande, alors qu’il s’agirait de les revisiter en fonction du « donut ». Contre-proposition à la pensée dominante, l’autrice de 53 ans parle de son modèle comme d’une « boussole pour la prospérité ».
Vers une gouvernance participative
À propos des échanges dans un monde globalisé, elle évoque l’« esclavage moderne importé », avec notre exploitation des ressources, humaines et d’autres natures, par rapport au pays du Sud, exploitation qui ne donne pas suffisamment d’attention à l’empreinte carbone liée à ce phénomène. À ses yeux, l’unique mandat de l’économie devrait d’être au service des humains et des sociétés. Face aux doctrines économiques (qui sont une science humaine !) basées pour une part sur des croyances, il importe de prendre conscience que nos façons de penser et cadres de référence ont été formatés par les théories et pratiques du siècle dernier. Son credo : « Nous devons mettre en place un dispositif économique pour le XXIe siècle ».
L’oratrice revendique une société qui avance sur plusieurs fronts vers des modalités de « gouvernance et prise de décisions participative », moyens alternatifs et complémentaires aux rouages de la démocratie parlementaire. Elle cite la mise en place d’Assemblées citoyennes, qui apportent des éclairages différents sur les problématiques qui leur sont soumises, permettant de sortir du cadre (think out of the box), comme l’a montré en France la Convention citoyenne sur le climat. Une expression revient à plusieurs reprises : « Nous voulons de nouvelles manières d’être et de faire qui soient “régénératives’ », c’est-à-dire résilientes et susceptibles de se renouveler sans épuiser les ressources.
En fin de soirée, ce 19 février à Lausanne, ont été présentées les démarches pratiques de l’UNIL dans le sens du donut, pour répondre à la question « Comment guidons-nous toute une communauté académique sur le chemin d’un lieu de vie juste et sûr ? ». L’institution lausannoise a mentionné la création de son Assemblée de la transition, composée de soixante personnes tirées au sort dans la communauté universitaire, qui a siégé un an. Rendu en septembre 2023, son rapport [4] détaille 28 grands objectifs et 146 pistes d’action. (https://wp.unil.ch/assemblee-transition/le-rapport/). Aux côtés de nombreuses initiatives à l’international promouvant le donut dans des milieux et contextes divers, l’économiste anglaise a jugé très encourageant ce qui se fait à Lausanne.
[1] Kate Raworth a d’ailleurs fait référence aux travaux majeurs de Julia Steinberger et de ses collègues sous le titre « Living Well Within Limits ».
[2] Kate Raworth, La théorie du donut : l'économie de demain en 7 principes, Ed. Plon, 2018, 432 pages
[3] Elle suit ainsi Robert F. Kennedy, précurseur qui, peu avant son assassinat en 1968, avait vivement critiqué le PIB : « Pourtant, le produit national brut ne permet pas d'assurer la santé de nos enfants, la qualité de leur éducation ou la joie de leurs jeux. Il n'inclut pas la beauté de notre poésie, l'intelligence de notre débat public. Il ne mesure ni notre esprit, ni notre courage, ni notre sagesse, ni ce que nous apprenons. Il mesure tout en somme, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue ».
Préoccupation de santé publique, la santé mentale des jeunes nécessite une réponse rapide et durable. Une Commission fédérale décline des recommandations, basées sur les dernières connaissances scientifiques.
Consacré à l’art.24 de la Convention des nations unies relative aux droits de l’enfant, le droit fondamental à jouir du meilleur état de santé possible comprend également la santé mentale. Cependant, entre 13% et 20% des enfants et des jeunes sont concernés par un trouble avéré, tandis qu’un jeune sur quatre présente des symptômes de difficultés psychiques. Les jeunes femmes et les personnes vivant des expériences de discrimination sont particulièrement concernées. Ces troubles peuvent avoir des conséquences sur le plan scolaire, entraver les perspectives professionnelles et affecter les relations sociales.
Il existe des facteurs de vulnérabilité liés à cet âge critique sur le plan du développement, mais le contexte social, sanitaire, climatique et géopolitique contribue largement à accentuer l’apparition de ces difficultés. La recherche met notamment en lumière l’influence sur la santé mentale des situations de pauvreté, des conditions de travail et du niveau de qualification, mais aussi des expériences traumatiques liées à la violence domestique, au harcèlement, à l’exclusion sociale ou à la discrimination. S’y ajoute le stress lié au contexte multicrise et à la pression sociale et de performance vécue par les enfants et les jeunes.
Une palette de mesures pour un investissement à long terme
Un meilleur accès à une prise en charge adéquate et à bas seuil dès l’apparition des premiers symptômes s’avère aujourd’hui prioritaire. Selon la prise de position de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ), cet effort doit cependant s’accompagner d’un monitoring pour disposer de données fiables, de mesures de prévention et de promotion de la santé mentale dès le plus jeune âge et d’actions visant à réduire la stigmatisation. En outre, la CFEJ recommande d’agir sur les conditions sociales en favorisant les liens sociaux et l’appartenance à un groupe, la prévention du harcèlement et des discriminations ou encore la réduction des facteurs de stress liés à la performance ou aux évènements extérieurs anxiogènes. La prise en compte de l’ensemble de ces mesures constitue un investissement durable en faveur de la santé publique.
Par ailleurs, la CFEJ recommande de développer, mettre en place et évaluer les offres avec la participation active des jeunes afin de garantir leur adéquation aux modes de vie et aux besoins réels.
Les stigmatisations dont restent victimes les mères travailleuses du sexe sont nombreuses. Carine Maradan, collaboratrice scientifique du réseau national de défense des droits et intérêts des travailleur·se·x·s du sexe, décrypte les enjeux.
(Carine Maradan) Comme l’explique la chercheuse Giovanna Gilges, les images de la « sainte » et de la « putain » sont diamétralement opposées dans nos imaginaires, empreints de religion et de morale. Dans la même idée, une femme ne peut pas être à la fois « mère » et « putain ». Les stéréotypes en lien avec le travail du sexe ont la vie dure. La vision que la société a du travail du sexe est souvent très limitée : une femme qui travaille la nuit dans un « bordel », qui consomme de l’alcool et des drogues. On n’attribue généralement pas aux TdS la capacité de s’organiser et le sens des responsabilités. Je me rappelle d’une femme qui me disait qu’elle était plus présente et disponible pour sa famille en travaillant dans la prostitution qu’en faisant des ménages. Ces propos restent encore difficilement acceptables pour une majorité. À cause du stigmate de la « pute », il est impossible d’être vue comme une « bonne mère ».
Dans une interview, une travailleuse du sexe bulgare parle de l’image qu’elle souhaite donner à sa fille, et de la façon dont elle veut la protéger de ce qu’elle vit par son travail. Est-ce que leur travail et les représentations qui y sont liées sont une pression importante qui pèse sur les épaules de ces femmes ?
Vraiment. La stigmatisation est souvent intériorisée. Des TdS ont honte d’exercer cette profession qui leur permet pourtant de vivre et de subvenir aux besoins de leurs proches. Elles vivent avec la peur d’être « outée » sur internet ou dans l’espace public. La révélation de leur activité peut avoir de graves conséquences pour elles comme la perte de leur logement ou même de la garde de leurs enfants.
Certaines témoignent avoir commencé le travail du sexe après la naissance d’un·e enfant, afin de pouvoir subvenir à ses besoins. Est-ce une situation fréquente ?
Il est difficile de répondre à cette question. Nous n’avons pas de données statistiques, mais comme pour toutes les autres femmes, subvenir aux besoins de ses enfants est une des motivations des TdS à avoir un travail rémunéré. Des personnes choisissent le travail du sexe comme projet temporaire. D’autres car elles n’ont pas beaucoup d’autres options sur le marché par manque de formation, d’expérience professionnelle ou de réseau en Suisse, à cause de leur situation administrative ou leur statut de mère célibataire… Toutes les situations personnelles sont bien entendu différentes.
Le travail du sexe est à la fois une cause, une conséquence et un risque de pauvreté pour les femmes.
Vous soulevez la question de la précarité de ces mères, très souvent issue de la migration. Pourquoi les travailleuses du sexe migrantes sont-elles particulièrement concernées par la pauvreté ?
De manière générale, les femmes migrantes sont surreprésentées dans la population précaire. De plus, les TdS migrantes sont victimes de discriminations multiples liées au sexisme, au racisme, au classisme et à la putophobie. Leur accès à des prestations sociales, aux soins et à la justice s’avère difficile malgré le soutien d’associations spécialisées. Si elles ne sont pas hautement qualifiées, elles ne sont susceptibles de trouver du travail que dans des secteurs mal payés comme le travail du care, le nettoyage ou encore le travail du sexe. Comme mentionné dans le magazine, le travail du sexe est à la fois une cause, une conséquence et un risque de pauvreté pour les femmes.
Une chercheuse évoque les difficultés que rencontrent ces personnes lorsqu’elles se séparent, faisant face aux préjugés de juges souvent « paternalistes et sexistes ». En tant que Réseau national pour les droits des travailleur·se·x·s du sexe, entendez-vous mener des actions pour faire évoluer les mentalités ?
Un de nos objectifs 2024 est justement de développer des lignes directrices contre la stigmatisation des TdS à l’attention des autorités (santé, justice, police, migration, etc.). Des TdS participeront à des ateliers pour apporter leurs expériences et leur expertise. Lors de la publication de ce guide, nous proposerons des temps de sensibilisation aux administrations. Nous espérons que le milieu judiciaire sera sensible à notre offre.
Finalement, le magazine se concentre sur les mères travailleuses du sexe, et ne parle pas de la question de pères travailleurs du sexe. Est-ce parce qu’ils n’existent pas ?
Ils existent, mais sont minoritaires. Nous avons fait le choix rédactionnel de mettre en lumière les mères pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, le souci parental et le travail du care incombent encore majoritairement aux femmes. Des enjeux spécifiques sont liés aux conditions de vie et au statut de mère célibataire. Finalement, nous trouvions important de relayer des voix féminines rarement entendues dans l’espace public et médiatique comme celle d’une mère TdS avec un parcours migratoire.
(Propos recueillis par Céline Rochat)
Lire le magazine « Travail du sexe ; La mère, la sainte et la putain », ProCoRe, 2023, 24 pages
[1] ProCoRe est le réseau national qui défend les droits et les intérêts des travailleur·se·x·s du sexe en Suisse. Association d’utilité publique, basée sur les droits humains, politiquement et confessionnellement neutre, ProCoRe s’engage pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleur.euse.x.s du sexe et lutte également contre l’exploitation, la traite des êtres humains et la stigmatisation du travail du sexe. Elle reconnaît le travail du sexe comme un fait social et comme un travail.
Forte du succès de sa première édition, l’action de sensibilisation MAYbe Less Sugar revient cette année en visant spécifiquement les jeunes et les personnes en situation de précarité. Interview d’Aurélie Giger, directrice de diabètevaud.
(Aurélie Giger) Une attention particulière va être portée sur les personnes jeunes et/ou en situation précaire en Suisse romande, car ce sont celles qui sont le plus durement soumises à la surconsommation de sucre — engendrant obésité, surpoids, maladies chroniques — en raison de leur contexte de vie. L’action va aussi s’étendre à la Suisse alémanique. Enfin, de nouveaux partenaires continuent de rejoindre le projet, contribuant à augmenter la visibilité de l’action.
Il faudra toutefois continuer l’action pendant plusieurs années pour que ce sujet soit considéré comme une thématique de santé publique et que des changements structurels aient lieu.
Quelles ont été les retombées de la première édition, en matière de santé publique, selon votre analyse ?
L’édition initiale de 2023 a permis d’initier une première prise de conscience individuelle de la trop grande quantité de sucres ajoutés consommés par jour. Elle a mis le sujet du sucre sur la table et au cœur du débat, au sein notamment de certaines institutions de la santé et du social, du monde politique, scientifique et de la population générale. Il faudra toutefois continuer l’action pendant plusieurs années, à l’instar de ce qui s’est passé pour le tabac, pour que ce sujet soit considéré comme une thématique de santé publique et que des changements structurels aient lieu.
Cette édition est axée sur les jeunes et les personnes en situation précaire. Quel est le message particulier que vous voulez transmettre à ce public ?
Je dirai aux jeunes d’être curieux·ses et de se renseigner sur la quantité de sucre qu’ils mettent dans leur assiette et/ou dans leur verre. Je leur propose aussi qu’ils se placent dans une posture d’observation avec un regard critique sur les publicités et les actions marketing qui les entourent. Le but est de pouvoir choisir la nourriture et les boissons consommés en toute connaissance de cause. La seconde interrogation soulève la question de la singularité de chaque parcours de vie et de l’environnement notamment obésogène dans lequel ces personnes vivent. L’action MAYbe less sugar vise à tenir compte des différences environnementales, culturelles, sociales et individuelles notamment. Nous avons prévu de nous rapprocher des associations locales et de ces personnes, dans le but de comprendre leurs besoins et d’y répondre au mieux. La publicité qui les entoure vante des produits attrayants, mais qui contiennent beaucoup trop de sucre, même si le prix proposé est relativement peu élevé. Notre message est de privilégier le « fait maison », qui ne coûte pas plus cher que les produits industriels.
(Propos recueillis par Céline Rochat)
Un mois pour réféchir à sa consommation
En mai 2024, toute personne intéressée pourra rejoindre l’action MAYbe LessSugar dans toute la Suisse. En s’inscrivant sur le site internet de l'action, il sera possible d’évaluer gratuitement sa consommation de sucres ajoutés grâce à un calculateur, de découvrir des idées et des recettes pour se faire plaisir autrement et de se fixer des objectifs personnels réalistes qui offrent la satisfaction d’yarriver. Des événements inviteront, durant tout le mois de mai, à s’informer et à tester des moyens de modérer sa consommation de sucre sous l’angle du bien-être.
Percevoir les désaccords comme une opportunité de changement, c’est ce que propose le Centre pour l’action non-violente dans un atelier sur la résolution non-violente des conflits, le 18 mai à Lausanne. Inscriptions en ligne.
Durant la pandémie de Covid-19, les centres d’animation socioculturelle ont déployé des mesures inédites pour rester en lien avec leur public. Les analyser montre les capacités d’adaptation des professionnel·les du travail social.