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Les paradoxes des politiques de réinsertion

Mardi 27.05.2008
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L’Etat social a muté en Etat de l’« activation » de l’individu en difficulté. Les mesures de réinsertion au travail ou simplement à la vie en société se multiplient. Mais elles génèrent de nouvelles exclusions.

Par Marc-Henry Soulet, directeur de la Chaire de Travail social et des politiques sociales de l’Université de Fribourg

L’État social s’est reconfiguré dans la plupart des démocraties avancées autour de l’État social actif, plus spécifiquement autour de politiques sociales promotionnelles reposant sur le développement des capacités d’action des individus et soutenant leurs conditions de réalisation. Or, cette orientation est supportée par un postulat implicite – chacun est censé détenir des capacités socialement signifiantes et socialement convertibles – pourtant empiriquement infondé. Nombre d’individus, en effet, en raison de leur trajectoire biographique comme de la nature des exigences du système socio-économique ne peuvent, momentanément ou durablement, ressortir d’une logique de l’activation.

Ce n’est pas un problème de mise en mouvement qui les caractérise, mais un problème d’arrimage. Pour cette population, ce n’est pas sa perfectibilité qui est au centre de l’intervention mais sa vulnérabilité. Pour eux, l’insertion de sas était devenu un état. Le travail social se doit donc aussi de gérer des stocks et non des flux comme on l’imagine la plupart du temps quand on fait référence aux politiques d’insertion, avec les implications étranges de ces programmes d’insertion censés mettre en mouvement alors même qu’ils ne font pas grand-chose d’autre que d’entretenir l’existant, tâche déjà énorme en soi, et de confirmer ce faisant l’immobilité.

Les effets d’entretien des programmes de ré-insertion sociale

Les programmes de ré-insertion sociale s’inscrivent dans une philosophie d’ensemble d’économie solidaire visant - à côté de, en même temps que par-delà une économie de marché - à redonner une place à chacun dans la société par des voies variées, qu’elles soient salariales, institutionnelles ou personnelles. L’insertion sociale y est vue sous un double registre d’apparence contradictoire, à la fois comme préalable à l’insertion professionnelle, à la fois comme alternative à cette dernière. Ce paradoxe se résout toutefois si l’on conçoit l’insertion sociale et comme un moyen et comme un but ; elle est un moment, un moment indéterminé qui peut aussi bien être provisoire, et même de très brève durée, que durable, pour ne pas dire sans fin.

Ces programmes se situent en fait à la conjonction de quatre grands types d’insertion qu’ils parviennent plus ou moins à articuler : 1) Une insertion par l’économique visant à remettre sur le marché concurrentiel des personnes employables mais inemployées pour des raisons indépendantes de leur volonté et de leurs aptitudes, en travaillant leur employabilité afin de les rendre davantage compétitives ; 2) Une insertion par l’activité s’adressant toujours à un public inemployé mais employable, à la différence près toutefois, qu’il n’est plus compétitif. D’une façon ou d’une autre, quel que soit le nom qu’on lui donne, le lieu de l’insertion ne peut plus être le marché de l’emploi compétitif, mais un second marché, une économie sociale, des emplois de proximité, bref tout dispositif qui associe étroitement réaffirmation de soi et contribution à la production sociale ; 3) Une insertion par le travail caractérisant davantage une population d’invalides, partiellement tout au moins, et dont il est souhaitable de maintenir une participation sociale en lui permettant de rester ou de se réinscrire sur le marché de l’emploi. Il s’agit donc d’aménager le poste ou le type de travail aux potentialités conservées de la population dans la mesure où le travail est vu comme la condition de l’intégration sociale ; 4) Une insertion par le vivre-ensemble concernant une population qui n’a pas/plus de lien avec le travail. Pour ces personnes, l’idée est de s’appuyer sur la communauté qui, par ses exigences normatives, crée du lien par le maintien de l’appartenance au groupe et inscrit les intéressés dans des relations qui, si elles ont localisées et toujours primarisées, n’en sont pas moins des relations sociales, structurantes et identifiantes.

Quand une mesure est ressentie comme une glissade sociale

Fondamentalement porteurs d’une dimension éthique, ces programmes s’efforcent d’être respectueux, prenant en charge les personnes marginalisées quand il n’y a plus rien, quand elles sont rejetées de partout ou presque. Mais cette image positive a un revers négatif fort pour les participants. Ouverture à tous et accueil sans condition signifient devoir côtoyer des "personnes de toutes classes sociales". Non seulement il ne s’avère pas toujours pratiquement supportable d’être inscrit dans un même service, de travailler et/ou de cohabiter avec des personnes connaissant de grandes différences (au moins statutairement), mais symboliquement le pari de mélanger divers statuts produit des phénomènes de rejet d’une assimilation sociale aux catégories jugées les moins valorisantes. S’ajoute en quelque sorte au statut déjà peu reconnu de non-inséré, la disqualification d’être dans un programme social, dans un programme pour "personnes ayant des problèmes".

Le paradoxe est donc que ces programmes, tout en étant perçus très positivement car, par définition, non excluant, car s’élevant contre les mécanismes d’exclusion institutionnelle, reposent sur une position universaliste les condamnant à accueillir toutes les personnes en difficulté en mal d’intégration, sans distinction de catégories administratives, ni de statuts sociaux (en fonction toutefois bien sûr du champ d’intervention et des objectifs qui sont les leurs. Un tel choix engendre dès lors un risque de production d’un ghetto. Ce sont ces contradictions dans lesquelles se débattent les programmes de ré-intégration sociale. Il sont satisfaisants en tant que programmes prenant en charge ceux dont structurellement personne ne peut assurer la prise ne charge ; ce faisant ils engendrent la possibilité bien réelle de créer un espace fourre-tout mélangeant des personnes issues de trajectoires différenciées d’"inintégrabilité". Être dans ces programmes est à la fois la garantie d’un traitement humain et la marque d’une identification aux plus faibles, aux plus démunis, aux Autres en quelque sorte.

Le risque de l’alibi politique et de l’épuisement des bénéficiares

Cette caractéristique paradoxale des programmes de ré-intégration sociale engendre le risque, souvent avéré, d’une double fragilité. D’une part, pour les participants à ces programmes, ils constituent des lieux où ils sont reconnus, où ils sont écoutés, où ils sont pris comme personnes à part entière, avant que d’être un problème à traiter. On s’enquiert d’eux s’ils sont absents, on écoute leur histoire, on entend leurs fractures, on discute leurs projets, on débat de leurs espoirs. Mais en même temps cette sollicitude sans obligation, ce souci inconditionnel d’autrui pèsent. Cette tolérance ultime à autrui est aussi, d’une certaine façon, pour autrui justement, l’énonciation d’une différence radicale, la marque d’une inégalité fondamentale qui se joue dans l’impossible réciprocité. D’où le leitmotiv des participants sur le fait que ces programmes sont considérés comme le lieu d’incarnation de la dualisation de la société entre les nantis et les démunis, entre les puissants et les faibles, entre les encadrants et les participants. D’autre part, pour les institutions elles-mêmes, porteuses de ces programmes, la délégation aveugle, le credo a priori, comportent en parallèle le risque d’en faire un alibi, de voir les acteurs sociaux, politiciens en tête, très satisfaits de leur existence et de leur fonction d’occultation des problèmes, les utiliser comme une justification pour ne rien faire d’autre puisque “tout va bien, ces programmes existent”. Ces derniers fonctionnant bien, étant même efficaces, il est aisé en effet d’estimer que la solution aux problèmes est toute trouvée : il suffit d’accroître leur capacité d’accueil.

Enfin, dernière fragilisation fonctionnelle, outre la mobilisation épuisante des personnels, pour les participants de ces programmes émerge le risque de la contre-productivité d’un réarmement sans suite. Cette fragilité provient de la difficulté, voire de l’impossibilité parfois de réaliser le projet de vie qu’ils ont été invités à développer et qu’ils ont effectivement développé. Souvent le projet n’est pas possible parce qu’il dépend de facteurs fondamentalement étrangers aux programmes. Les participants sont alors confrontés à une injonction paradoxale : ils ont cherché à répondre aux attentes du programme et rien ne s’est produit ; leurs efforts, souvent beaucoup plus importants qu’on ne peut l’imaginer de prime abord, se sont avérés vains. La désillusion est alors grande et confirme le sentiment d’exclusion, à tout le moins la vanité de se mettre à nouveau en jeu sur le marché de la conventionnalité, et invite à se replier sur un espace protégé. Paradoxalement, en quelque sorte, l’efficacité des programmes de ré-intégration sociale (réarmer les participants de façon telle qu’ils puissent à nouveau "pro-jeter") devient, en raison de la difficulté même de concrétiser ces projets et de l’absence de places conventionnelles, le vecteur par lequel les participants tendent à s’enraciner dans ces programmes, à y construire des niches et à renforcer la relativité de leur intégration.

Ré-intégation sociale ou intégration relative ?

Il convient dès lors, au vu du fonctionnement des ces programmes d’entretien, de se demander s’il ne serait pas judicieux de considérer la logique de ré-intégration sociale qui y prévaut comme une forme d’intégration relative. En raison de la situation et des capacités des usagers, l’intégration visée par les programmes doit en effet être adaptée ou, plus justement, aménagée à leurs caractéristiques individuelles. Ces petits arrangements pratiques ne font plus de l’intégration un idéal, un but absolu à atteindre, mais la dessine comme une place relative où les personnes peuvent trouver un certain degré d’autonomie et des conditions pas "trop mauvaises" d’existence. Que l’intégration soit plus complexe parce que non-totale pose dès lors un quadruple problème : 1) Cette relativisation ne manifeste–t-elle pas un changement profond de philosophie des politiques sociales avec notamment la fin de l’idéal de traitement égal ? 2) Comment apprécier une intégration relative ? L’échelle ne devient-elle pas logiquement toujours dès lors individuelle (amélioration singulière versus tension vers un absolu collectif) ? À partir de quand, alors, et jusqu’à quand considère-t-on qu’une intégration relative est une réussite ? 3) L’intégration relative, partielle donc, en montrant que la réalité est hybride, définit une conception des politiques sociales visant à soutenir les individus pour qu’ils puissent coopérer et partager. La participation ne devient-elle pas ainsi l’aune de la citoyenneté et non plus sa modalité ? 4) Comment légitimer politiquement l’idée d’intégration relative ? Par la maîtrise des dommages collatéraux comme dans tous les programmes de réduction des dangers ?

L’enjeu soulevé par les programmes de ré-intégration sociale est, en fin de compte, le statut même de l’intégration sociale. Est-elle à deux niveaux ? Est-il possible de récupérer une autonomie et de créer un mode de vie qui puisse être indépendant d’une activité professionnelle ? Ou, au contraire, l’intégration sociale doit-elle viser à aider le bénéficiaire à résoudre les problèmes qui entravent sa disponibilité personnelle de telle sorte qu’il puisse consacrer l’essentiel de son temps à effectuer les démarches nécessaires à une pleine intégration ? Doit-elle simplement être préventive, une politique de réduction des risques, en quelque sorte, afin d’éviter que le bénéficiaire n’entre dans un processus de marginalisation et d’exclusion ? On le voit l’enjeu est de taille et la réponse reste ouverte.

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