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Ils favorisent la quiétude dans les bus nocturnes

Lundi 12.10.2015
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Comment font les modérateurs pour intervenir dans les bus de nuit ? Quel savoir-faire faut-il déployer pour prévenir les incivilités et les violences verbales ou physiques ? L’expérience genevoise Noctambus pose des balises.

Par :
Kim Stroumza, Sylvie Mezzena, professeures à la HES-SO, Haute Ecole de Travail Social de Genève
Nicolas Reichel, (ancien) superviseur de l’équipe des modérateurs à Noctambus et travailleur social
Pascal Baumgartner, réalisateur indépendant ikon production
Laetitia Krummenacher, stagiaire master puis collaboratrice scientifique
Khoa Hoang, concepteur multimédia

L’association Noctambus a mandaté une recherche pour décrire le savoir-faire déployé par les modérateurs dans les bus nocturnes à Genève [1] [2]. Nous avons filmé le travail réalisé par deux modérateurs au cours de quatre trajets de nuit. Puis nous avons réalisé des entretiens (dits d’autoconfrontation) pendant lesquels les professionnels filmés ont visionné et commenté leur propre activité filmée (Mezzena & al 2014 ; Stroumza & al, 2014). L’ensemble de l’équipe des modérateurs a ensuite participé à une discussion collective portant sur l’analyse de leur savoir-faire. Ce dispositif de recherche a permis la construction de la plateforme web « Les savoir-faire de la modération », sur le site de Noctambus [3], composée essentiellement de films d’activité réelle ainsi que de commentaires des professionnels eux-mêmes. En tant que chercheurs, nous avons organisé et structuré l’ensemble, souligné et visibilisé le savoir-faire à l’aide de petits textes de commentaires insérés avant et après les films.

L’accueil personnalisé

Passons à la loupe le moment de l’entrée dans le bus. Le modérateur marque un seuil, une rupture avec l’espace public impersonnel qui n’est pas habité à cette heure de la nuit et dont l’utilisation pose régulièrement des questions de normes sociales (Roché, 2002). Il le fait en se positionnant à la porte, en faisant entrer les jeunes un à un, en ayant un contact visuel, physique parfois, et en disant bonjour de manière accueillante.

Pour qu’il ne sonne pas faux, cet accueil nécessite un engagement de la part du professionnel. Malgré le fait que ce soit la nuit, qu’il puisse être fatigué, que cet accueil peut être très répété, qu’il puisse aussi éventuellement avoir peur, son accueil est à chaque fois investi, convivial.

Cette implication au moment de l’entrée des passagers dans le bus a comme ressource le plaisir d’être là, au contact des jeunes, de se sentir utile et appartenant à un collectif d’action. Le modérateur s’appuie aussi sur une certaine manière de considérer les passagers qu’il accueille, de comprendre l’état dans lequel les jeunes peuvent se trouver à ce moment-là.

Les modérateurs sont conscients et vigilants face aux risques (sinon leur présence dans les bus ne serait pas nécessaire). Ils sont attentifs et enquêtent pour déterminer dans quel état le jeune se trouve. Est-il agité sur le trottoir avant de monter dans le bus, comment réagit-il au regard ou éventuellement au contact physique, au ‘bonjour’ du modérateur ? Cette vigilance, ce test à l’entrée du bus s’exerce de manière discrète.

Une bouteille en verre confisquée

Cette extrême attention se vit cependant sans être suspicieux ou craintif, sans juger le jeune. Cette deuxième dimension de leur implication, pourrait-on dire, est cruciale. Pour mieux la faire saisir, prenons l’exemple d’une bouteille en verre confisquée à un jeune lorsqu’il entre dans le bus.

Lorsque le modérateur confisque la bouteille, il ne le fait pas en suspectant de mauvaises intentions chez le jeune, ni en lui faisant une remarque sur sa consommation d’alcool. Ce n’est pas ainsi qu’il construit le problème que pose la bouteille et qui nécessite son intervention [4]. La bouteille est confisquée parce que, dans cet espace clos, confiné, mouvant, avec les autres jeunes présents, elle pourrait potentiellement générer des tensions. L’objet est confisqué parce que cet objet dans cette situation pose problème. L’enjeu de l’intervention n’est pas la prévention d’une addiction ou d’un délit, mais la construction d’un territoire aux tensions viables, au sens où les tensions sont minimisées, réorientées.

Dans d’autres situations, c’est l’état du jeune qui peut nécessiter une intervention. Il peut s’agir alors de le calmer, mais sans jamais considérer le jeune lui-même comme une menace. Seul son état dans cette situation-là (et non sa personne) peut constituer une menace pour la sécurité de l’espace collectif. Comme le dit un membre de l’équipe, être modérateur c’est fondamentalement accepter la réalité de cet état (alcoolisé, excité, fatigué, etc.) sans réprobation morale. Et agir pour éviter les conséquences que cet état peut avoir sur le vivre ensemble au cours du trajet, sur ce territoire commun qu’ils tentent de construire.

L’intervention vise le court terme mais aussi le plus long terme, c’est-à-dire le comportement futur du jeune dans l’espace collectif qu’est le bus. Précisons toutefois que le travail cherche à prévenir les incivilités durant le trajet, pas au-delà du bus (la bouteille est rendue à la sortie). Si cette expérience peut avoir un effet préventif sur le comportement des jeunes en dehors des transports, ce résultat n’est en effet pas directement visé par la modération.

Des ouvertures dans l’espace collectif

L’équipe d’intervention agit pour favoriser une certaine quiétude dans l’usage d’un espace collectif, elle ne prévient pas la consommation de drogue et n’a pas pour mission de repérer la suspicion d’un délit. Cette manière de construire le problème laisse ainsi des ouvertures. D’une part, le jeune n’est pas jugé, d’autre part le modérateur est prêt à apprendre quelque chose de lui, à être transformé, touché par lui.

Cette manière de faire assume que l’état du jeune résulte aussi d’un certain comportement de la société à son égard avec des attitudes fréquentes de suspicion, de méfiance et de crainte ; de même que d’une certaine organisation de la société qui a pour conséquence des interstices organisationnels et des institutions fermées la nuit, entre la ville et la campagne, éventuellement de l’autre côté de la frontière qui rendent les espaces publics impersonnels et peu habités.

Il s’agit ainsi, à la porte du bus, d’accueillir les jeunes dans un territoire particulier, qui a certaines qualités et ses propres règles. Il ne s’agit cependant pas d’une institution avec un seuil bien défini. Le modérateur doit à la fois faire saisir au jeune la spécificité de ce territoire, et il doit le construire sans cesse pour qu’il reste tout au long du trajet un territoire convivial, habité, ouvert, commun, aux tensions viables. Ce territoire ne se décrète pas, il se construit. Si l’on est en ville ou à la campagne, s’il s’agit du premier ou du deuxième tour, selon le nombre et l’état des jeunes dans le bus, ce territoire évolue, son équilibre s’avère mobile. Il se construit aussi en tandem avec le chauffeur. Il n’est pas l’espace public de la rue, ni une institution. Il ne doit pas devenir le territoire des jeunes avec le risque de privatisation de l’espace.

En même temps, les jeune ne sont pas pris en charge dans ce territoire. Les modérateurs rendent service aux jeunes (de même qu’ils sont prêts à recevoir d’eux) mais ne sont pas à leur service. Il ne s’agit pas d’un dû mais de convivialité. Il y a là tout un équilibre à construire, une forme d’asymétrie entre le modérateur (garant des lieux) et les passagers. Les jeunes n’ont pas à intervenir en se faisant justiciers, mais ils ne doivent pas non plus totalement déléguer la construction de ce territoire aux professionnels. Ils sont partie prenante de la modération. Une forme de participation de leur part est sans cesse favorisée (mais sans être exigée, ni même attendue). En fait, le modérateur construit le territoire de sorte que les jeunes puissent y participer comme ils le veulent. Par exemple, ils soulèvent leurs écouteurs quand le modérateur passe, ils aident leur ami si celui-ci vomit ou s’agite. On retrouve l’ancrage historique de la modération dans les bus Noctambus en France, en Suisse et ailleurs : ces transports de nuit sont issus d’une demande des jeunes et toujours en partie portés par eux.

Un espace habité, hospitalier, sécurisé

En conclusion, c’est parce que ce territoire est construit comme commun, ouvert, mobile et habité que les tensions y sont viables. Lieu de passage nocturne situé dans les interstices organisationnels et temporels de la société, cet espace du bus devient néanmoins, par le travail de la modération, habité, hospitalier, sécurisé.

Les modalités d’engagement de la part des modérateurs, également au niveau émotionnel, permettent de répondre aux demandes de sécurité par de la convivialité et non par de la peur, de la distance, de l’impassibilité. Ce résultat ne provient pas du fait que les modérateurs seraient par nature plus conviviaux, mais parce qu’ils construisent cet espace de manière particulière, sans juger les jeunes.

Bibliographie

  • De Jonckheere C. (2010). 83 mots pour penser l’intervention en travail social. Genève : éditions ies.
  • Despret V. (1999). Ces émotions qui nous fabriquent. Paris : Les Empêcheurs de penser en rond.
  • Frauenfelder A., Mottet G. (2012). La fabrique d’un problème public. Reconnaître, expertiser et gérer la ‘violence en milieu scolaire’. Revue suisse de sociologie, 38 (2).
  • Mezzena S. & al (2014). Des recherches qui prennent pour objet les savoir-faire. In Paturel D. (dir). Recherche en travail social : les approches participatives. Nîmes : Champ social.
  • Mezzena S. (2014). Connaissance et professionnalité dans la pratique comme territoire à équilibrer. Enquêtes et perspective dans l’activité des éducateurs. Thèse Fapse, Université de Genève.
  • Roché S. (2002). Tolérance zéro ? Incivilités et insécurité. Paris : Ed. Odile Jacob.
  • Stroumza K., Mezzena S., Seferdjeli L., Friedrich J. (2014). L’ajustement dans tous ses états : règles, émotions, distance et engagement dans les activités éducatives d’un centre de jour genevois. Genève : éditions ies.

[1] Ce texte est adapté de l’intervention « La modération comme construction d’un territoire commun, ouvert, mobile, habité et aux tensions viables », 27 novembre 2014, Sixième rencontre du réseau des instances cantonales et communales pour la prévention de la violence, Fribourg.

[2] Recherche financée par la Fondation Meyrinoise et la Haute Ecole de Travail Social de Genève.

[3] Site internet Noctambus. Ndlr : La Plateforme « Les savoir-faire de la modération » y est présentée de façon très originale, claire et plaisante.

[4] Tout professionnel hérite de problèmes définis souvent en dehors de son champ, dans notre cas : des politiques visant à favoriser la mobilité et la sécurité ; une histoire propre à la constitution par les jeunes de l’existence de ces bus nocturnes ; la construction de la délinquance des jeunes en problème public à la fin des années 90 à Genève (Frauenfelder, Mottet, 2012), etc. Pour pouvoir agir, il doit alors redéfinir pratiquement ces problèmes (devenir héritier de cet héritage, Despret 2001 ; de Jonckheere, 2010) dans les conditions locales qui sont les siennes.