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Les « femmes battues » ensevelies au fil des ans

Jeudi 24.09.2015
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En 1970 à Genève, la question des « femmes battues » est débattue dans les mouvements militants. Vingt ans plus tard, les politiques publiques se développent dans le canton de Vaud. Deux approches différentes et des résultats qui se rejoignent.

Par Pauline Delage, sociologue, chercheuse FNS senior, Centre en études Genre, Université de Lausanne

Dans de nombreux pays, la question des violences conjugales est devenue un problème public sous l’influence des mouvements des femmes [1]. Le cas suisse est quelque peu différent. Selon les cantons, les mobilisations féministes ont diversement influencé le traitement des violences. A ce titre, la comparaison des cantons de Genève et de Vaud montre que les associations et les institutions jouent des rôles importants dans la mise en place de politiques publiques.

Rappelons une particularité de l’histoire des féminismes suisses par rapport à celle de plusieurs pays occidentaux. En France, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, il existe deux vagues historiques : la première a été centrée sur le droit de vote, tandis que la seconde s’est inscrite dans la lignée des mouvements protestataires des années 1960 et 1970 et s’est mobilisée autour de l’émancipation des femmes, des droits reproductifs ou encore des violences. Le suffrage des Suissesses ayant été octroyé tardivement au niveau fédéral, en 1971, des militantes ont continué de privilégier la défense des droits civils des femmes dans les années 1970 au moment où une nouvelle forme de féminisme émergeait. Comme le rappelle Sarah Kiani, le nouveau mouvement « hérite des idées et de l’esprit des mouvements contestataires de 1968 ». Il montre notamment « la volonté de changer la société radicalement, dans ses fondements et ses principes, et l’importance de politiser le quotidien » (Kiani, 2010).

C’est donc dans un contexte suisse où sont interrogées la place des femmes dans la société ainsi que des questions jusqu’alors entendues comme relevant de la sphère privée (comme la répartition des tâches domestiques ou la sexualité) que les problèmes des violences sexuelles et conjugales apparaissent progressivement. Les revues féministes genevoises évoquent la question au milieu des années 1970.

L’abominable viol collectif de deux militantes

En 1977, l’association Terres des femmes propose une première permanence. Suite à des discordes politiques, certaines membres quittent l’association et créent Solidarité Femmes en Détresse. Cette nouvelle association s’inscrit dans le mouvement national de la Fédération Solidarité Femmes de Suisse. Outre les services pour « femmes battues », comme on les appelle à l’époque, une mobilisation importante contre le viol va marquer durablement l’histoire féministe de Genève. Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1981, douze hommes de la bande dite des Pharaons s’introduisent dans un immeuble occupé à Pré-Naville et violent collectivement deux militantes.

Ces viols donneront lieu à l’un des premiers procès politiques sur le viol à Genève. Au sein du mouvement des femmes, il suscite également de nombreux débats, sur le recours à la justice pénale en particulier. Pour soutenir les plaignantes, un Comité contre le viol se constitue. A l’issue du procès, en 1985, le Comité est dissous mais l’association Viol-Secours est mise en place pour accompagner les femmes victimes de violences sexuelles.

Les deux associations Solidarité Femmes en détresse et Viol-Secours proposent des services pour soutenir les victimes. Elles continuent de dénoncer le problème des violences et le traitement culpabilisateur ou méprisant dont les femmes font l’objet, et elles cherchent également à développer les politiques publiques contre les violences.

En envisageant la violence comme le résultat d’inégalités hommes-femmes et en proposant une pratique centrée sur les femmes, ces deux associations genevoises incarnent une perspective féministe sur les violences sexuelles et conjugales. Le Bureau de la promotion de l’égalité entre femmes et hommes (BPE), créé en 1987, joue un rôle important dans l’institutionnalisation du problème des violences faites aux femmes à Genève. Outre des campagnes de sensibilisation et de prévention, il soutient les associations et des projets contre les violences.

A la demande de Solidarité Femmes, la première enquête sur les violences dans le couple est lancée en 1997 par le BPE et soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. C’est la première, et toujours unique, recherche spécifiquement consacrée à la quantification des violences faites aux femmes dans le couple menée en Suisse romande. Mobilisant une approche féministe, l’enquête a permis de quantifier les violences physiques, sexuelles et verbales et envisage « la violence conjugale dans le cadre des rapports sociaux de sexe et la considère comme une stratégie des hommes visant à contrôler les femmes en vue de conserver leurs privilèges » (De Puy, Gillioz et Ducret, 2002).

Genève : clivage sur le rapport au féminisme

La création de VIRES, centre de psychothérapie, de recherche et de prévention de la violence, en 1994, qui accueille les hommes auteurs et propose une perspective psychanalytique de la violence, et son institutionnalisation progressive à la fin des années 1990 scindent alors le monde associatif entre les associations héritières des mobilisations féministes et celles qui se concentrent sur la prise en charge des auteurs et promeuvent une approche relationnelle de la violence. En 2007, un Bureau du délégué aux violences domestiques est mis en place dans le cadre de la loi sur les violences domestiques. La nomination du délégué fait alors grand bruit puisque celui-ci a été formé au sein de VIRES. Dans le canton de Genève, la question des violences contre les femmes est ainsi fortement liée aux mobilisations féministes. De plus, le rapport au féminisme constitue une ligne de clivage tant entre les associations que dans le champ des politiques publiques.

Le cas est tout autre à Lausanne où la question des violences sexuelles et conjugales apparaît grâce à des actrices du monde institutionnel et à des associations qui ne sont pas issues des mobilisations féministes. Contrairement à Genève, les mouvements féministes des années 1970, autonomes des institutions, semblent ne pas avoir mis la priorité de leurs engagements sur la question des violences sexuelles et conjugales. A l’époque, un Foyer maternel accueille déjà des mères célibataires, certaines étant victimes de violences. A partir des années 1990, cette structure, qui deviendra le Centre Malley-Prarie, se concentre uniquement sur le traitement de la violence conjugale.

Vaud : les inégalités structurelles reconnues

La lutte contre les violences conjugales prend de l’ampleur dans le canton dans les années 2000. C’est sous l’impulsion du Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes, ouvert en 1991, qu’une recherche sur la prise en charge des violences conjugales est menée en 2000 par la Dr Marie-Claude Hofner et Nathalie Viens-Python. Cette enquête propose un état des lieux des acteurs et actrices impliqués dans le traitement de la violence conjugale ; d’où la formulation de recommandations qui sont traduites en six mesures touchant différents domaines de prise en charge de la violence. S’ensuit l’élaboration d’un programme, « C’est assez », axé sur la détection de la violence, l’orientation des victimes, la coordination des mondes de la justice, des associations, des services sociaux et des forces de l’ordre, et la prévention des violences.

Une Commission cantonale de lutte contre la violence domestique est également instituée en 2006. Ainsi, bien que le monde militant ne se soit pas emparé du problème, cela ne signifie pourtant pas qu’une perspective envisageant la violence conjugale comme une violence faite aux femmes et prenant sa source dans les inégalités structurelles soit impensable dans le canton. Les actrices du Bureau ont contribué à rendre légitime le lien théorique et pratique entre le thème des inégalités entre hommes et femmes et la question de la violence.

Mais le problème de la violence conjugale s’est aussi transformé grâce aux effets conjoints d’institutions diverses, et l’approche féministe est aujourd’hui loin d’être dominante. On a déjà évoqué les reconfigurations du monde associatif genevois qui se sont opérées dans les années 2000. De plus, en 1993, la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) crée une nouvelle ressource pour les femmes victimes. Elle est mise en œuvre différemment dans chacun des cantons. A Genève, un centre spécifique est ainsi chargé d’accueillir les victimes, de les orienter et de leur octroyer des dédommagements, tandis que dans le canton de Vaud, un service de la fondation PROFA se charge d’offrir de tels services. Si la LAVI n’est pas spécifique aux violences de couple, d’autres politiques publiques et lois fédérales sur les violences se sont multipliées, en prenant des formes pratiques distinctes dans chaque canton. Ainsi le 1er avril 2004 le Code pénal suisse est modifié : les violences entre conjoints et partenaires doivent être poursuivies d’office.

Le poids des mots

Il est intéressant de noter un changement dans la manière de nommer le problème. Il reflète un glissement dans la manière de le comprendre. Dans les années 1970, on parlait de « femmes battues », pour renvoyer aux violences masculines dans le couple. Cette expression limitant la focale sur les violences physiques, elle a été remplacée par celle de « violence conjugale ». Cette appellation tend toutefois à invisibiliser le rapport de contrôle asymétrique entre hommes et femmes. Depuis les années 2000, les politiques publiques tendent à évoquer les « violences domestiques », incluant les violences sur les enfants et les personnes âgées, ce qui tend à effacer la spécificité de la violence dans le couple.

Dans les deux cantons, des histoires associatives et institutionnelles distinctes ont influencé la prise en charge des violences au fil des décennies. Toutefois, les deux cantons se rejoignent d’une certaine façon dans l’évolution récente. En effet, les politiques publiques n’envisagent plus, ou en tout cas plus en priorité, la violence dans le couple comme un problème qui découle d’inégalités entre les sexes. Elles adoptent depuis quelques années une perspective qui dissout la spécificité des violences contre les femmes dans des approches plurielles et multifactorielles.

Références citées :

Kiani, Sarah, « La maison, lʼoccupation, c’est une situation que nous avons créée, un territoire que nous avons occupé ». Quand le Mouvement de Libération des femmes de Genève devient un mouvement social urbain, Sozialgeschichte, 2010, pp. 10-29.

De Puy, Jacqueline, Lucienne Gillioz et Véronique Ducret, « Intimités piégées. La violence conjugale en Suisse », Nouvelles Questions Féministes, 2002, pp. 57-80.

[1] Cet article et les cinq autres de la série sur les violences envers les femmes s’inscrivent dans le cadre de deux recherches financées par le Fonds national suisse : « L’émergence et les reconfigurations d’un problème public. Les violences faites aux femmes en Suisse (1970-2012) » (N° FNS 100017_149480) et « Homosexualités en Suisse de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années sida » (N° FNS 100017_144508/1).

Cet article appartient au dossier (In)égalités de genre