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Comment rationner les soins ? Débat tabou !

Dimanche 07.08.2011
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Malgré la nécessité de maîtriser les coûts de la santé, personne ne veut réfléchir aux modes de rationnement des soins. Ni les politiques, ni le public, ni les médias, ni les médecins ! Les éthiciens sont déçus.

Par Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois, membre de la Commission nationale d’éthique

En Suisse comme ailleurs, la demande et l’offre croissantes de soins se heurtent aux limites des moyens disponibles et entraînent des difficultés chroniques pour le système de santé. Dans ce contexte, l’hypothèse d’un rationnement est souvent discutée. Personne ne veut adopter ce principe mais nombreux sont ceux qui estiment que, de manière explicite ou implicite, il ne pourra pas être évité. Ils proposent alors de le réaliser dans des conditions et sur des critères les moins mauvais possibles. Parmi eux, Daniel Callahan, fondateur du Hastings Center et figure majeure de la bioéthique outre-Atlantique, s’est fortement engagé pour plus d’équité dans l’accès aux soins, équité dont le « non-système » de santé américain a bien besoin. Tout récemment, Callahan a exprimé sa désillusion quant à la possibilité pour une communauté d’instaurer un rationnement « raisonnable » [1]. Je cite :

« Finalement, le problème avec le rationnement est que nous avons une culture et un fonctionnement politique qui évitent les dilemmes éthiques lourds, qui promeuvent l’expression d’indignations bruyantes plutôt qu’une véritable délibération démocratique. Nous sommes un cas grave de ‘California disease’ : vouloir limiter les impôts tout en formulant des demandes illimitées de services. Nous voulons un progrès médical infini, une guerre inconditionnelle contre la mort et ceci sans rationnement. Cette situation n’est pas tenable longtemps mais, comme un microorganisme résistant aux traitements, elle connaît de constantes mutations et la société reste malade, d’une maladie économique chronique. Le refus de nos politiciens de parler ouvertement de la nécessité du rationnement [aussi désagréable cela soit-il] n’est pas moins pathologique. »

 » (…) La culture d’évitement de la réalité est en opposition frontale avec la nécessité de contrôler les coûts. Les forces politiques qui réclament le plus bruyamment la réduction des déficits publics sont celles-là même qui condamnent toute idée d’aborder le thème du rationnement. »

Le rationnement est un fait

A propos d’un cas récent dans notre pays, le conseiller national et médecin Ignazio Cassis déclarait : « Les politiques évitent le débat parce qu’il est délicat. » [2] Pour ma part, je me souviens n’avoir reçu qu’aimables fins de non-recevoir quand je demandais au Ministre vaudois de la santé – sous lequel je servais – de rappeler clairement que les moyens sont toujours rares et demandent des choix qui, d’une manière ou d’une autre, correspondent à un rationnement. Un exemple ? Les personnes vivant à proximité d’un Centre hospitalier universitaire ont plus de chances de recevoir sans délai le traitement optimal en cas de grande urgence. A mon sens, la réalité de la vie en communauté démocratique – où les décisions sont prises à la majorité mais s’imposent à tous – nous « condamne » à accepter ces faits.

Callahan rappelle un moment déterminant de l’irruption du rationnement sur la scène médicale occidentale, en 1960 à Seattle : le néphrologue Belding Scribner y avait développé et mis en œuvre le premier rein artificiel. Le nombre de machines étant très limité par rapport aux candidats potentiels, un comité de politique d’admission avait été mis en place pour « choisir qui vivra et qui mourra », selon l’expression de l’époque. Le comité devait sélectionner les malades pour qui le traitement était le plus judicieux, le plus indiqué (position éthique de type utilitariste). Cette méthode a créé une très vive polémique. D’éminents éthiciens ont estimé que, dans un tel cas, il vaudrait mieux tirer les malades au sort (variante d’orientation déontologique).

Le rationnement est « immoral »…

Le problème reste brûlant dans la transplantation d’organes (offre inférieure à la demande), mais pas seulement. Pour Callahan, « le rationnement doit être décidé au niveau des politiques de santé et ne pas faire reposer le fardeau de la décision sur les médecins ou les patients ». Mais comment instituer des comités pour qu’ils puissent prendre des « décisions explicites et transparentes » ? Après des décennies de débat, l’éthicien avoue sa déception et conclut que ce rationnement « transparent » ne pourra jamais être mis en œuvre dans les conditions sociopolitiques américaines : « Trop de gens ne veulent aucun débat raisonnable sur le sujet. Comment organiser une discussion publique sensée si la moitié peut-être de nos concitoyens considèrent immoral le simple fait d’en parler. »

Pourtant, il existe des exemples de mise en œuvre nationale d’un système clair de rationnement : en Nouvelle-Zelande [3] [4], ou, depuis des décennies, en Grande-Bretagne. Notons aussi le cas particulier de l’Oregon : il a mis en place un système de liste où les prestations sont classées par ordre d’efficacité et d’économicité ; ensuite, les ressources disponibles déterminent l’endroit dans la liste où l’assurance-maladie subventionnée cesse de payer. Dans les autres Etats américains comme, à mon sens, en Suisse ou en France, les personnalités et partis politiques opposent un refus souvent tacite mais néanmoins catégorique à tout débat sur le rationnement des soins [5] [6]. Et du côté du public ? Selon Callahan, et on ne peut que partager son analyse :

« L’opinion populaire attend que les bénéfices du progrès médical soient accessibles à chacun indépendamment des coûts. Ce point de vue est aussi celui de nombreux médecins. Il est encouragé par une industrie de la recherche toujours prête à claironner les progrès qu’elle apporte, laissant entendre que de nouveaux traitements décisifs et autres panacées se trouvent juste après le prochain virage. Cette attente populaire n’est pas corrélée avec la volonté de payer pour lesdits bénéfices. »

Le rationnement est « scandaleux »

Il faut également compter avec l’influence des médias. Ils sont prompts à mettre l’accent sur le sensationnel et à monter en épingle telle situation difficile d’une personne ou d’une famille à laquelle un traitement « héroïque » est refusé. En Suisse, l’hiver dernier, la presse a largement fait écho à l’arrêt du Tribunal fédéral donnant raison à une caisse-maladie qui refusait de prendre en charge un médicament (Myozyme) au coût très élevé et aux bénéfices de santé limités. Il a même indiqué qu’on pouvait envisager une limite de dépense de l’ordre de Fr. 100’000.– par année de vie gagnée, ce qui a logiquement fait ressurgir sur la scène nationale le thème du rationnement [7].

A l’inverse, les médias mettent moins d’empressement à vanter les mérites de mesures coupant dans des dépenses évitables et permettant la rationalisation du système de santé ; une rationalisation qui, dans la pratique, est parfois difficile à distinguer du rationnement [8].

Parler du rationnement est impossible

« Je n’arrive pas à imaginer qu’un rationnement explicite sera possible. Les choix difficiles seront faits sous la forme d’un rationnement indirect ou caché, qui ne dit pas son nom. Idéalement, le seul rationnement [civiquement] acceptable serait le fait de comités aux compétences larges et indiscutables, avec une contribution considérable du grand public. Mais jusqu’ici, ce modèle n’a pas été pris au sérieux dans le monde politique. »

Cette citation de Callahan, sociologue et éthicien reconnu, me fait réfléchir. Une forme de rationnement m’apparaissant inévitable, j’ai souvent espéré qu’il pourrait être prévu, cas échéant mis en œuvre, de manière explicite et démocratique, discuté sur la place publique comme d’autres options de santé [9]. La culture civique qui est la nôtre en Suisse est réelle. Pourtant, sur le point particulier d’un rationnement transparent, je ne crois plus qu’elle soit prête à admettre la nécessité d’en débattre.

Le rationnement des soins est déjà avec nous à certains égards. Il se pratique auprès du malade (microniveau) ou au sein de l’hôpital (mésoniveau) de façon informelle. Il se base sur le jugement des médecins voire d’autres soignants, en contradiction avec les droits des patients qui imposent une information préalable et complète. Cette situation soulève des craintes d’arbitraire. Elle fait reposer des décisions lourdes de conséquences sur les équipes médicales qui, et c’est compréhensible, n’en veulent pas.

Au quotidien, cette méthode informelle est-elle la plus mauvaise ? Le rationnement fait-il partie de ces sujets que les lois et les réglementations ne savent pas traiter adéquatement ? Est-ce précisément un thème sur lequel il vaudrait mieux faire appel à l’expérience et aux compétences professionnelles ? Avec ces questions, je donne peut-être l’impression de vouloir réinstaller les médecins comme des « demi-dieux en blanc sur leur piédestal », au-dessus du commun, avec le risque de tromper la confiance du malade. Ce n’est pas du tout mon option. Je pense toutefois que plus de droit et de lois ne signifie pas forcément plus de raison et plus de bon sens. Depuis quelques décennies, la santé a souvent passé de l’éthique au droit ; il me semble indiqué, dans certains cas, de discuter d’un retour du droit vers l’éthique. Car la relation thérapeutique soigné-soignant permet mieux que d’autres approches de prendre des décisions tenant compte de l’ensemble d’une situation personnelle.

[1] Callahan D. Rationing : Theory, Politics, and Passions. Hastings Center Report 2011, 41, no. 2, 23-27.

[2] Lire entre autres articles de J.-C. Péclet, Le Temps (Genève), 29 décembre 2010, et de I. Städler, Tages-Anzeiger (Zürich) , 15 avril 2011 (arrêt 9C_334/2010 du Tribunal fédéral concernant le médicament Myozyme)

[3] Edgar W. Rationing in health care – A New Zealand perspective on a international dilemma. Bulletin des médecins suisses 2000, 81, 190-4.

[4] Martin J. L’erreur serait de refuser de parler ouvertement, sereinement, du rationnement – Que nous apprend l’expérience néo-zélandaise ? Bulletin des médecins suisses 2000, 81, 177-178.

[5] Kocher G. 10 Jahre Rationierungsdebatten in der Schweiz – eine Übersicht und eine vorläufige Bilanz. In : M. Zimmermann & H. Halter Basel : Rationierung und Gerechtigkeit im Gesundheitswesen. Basel : EMH Verlag, 2007.

[6] Paccaud F., Santos-Eggimann B. Le rationnement au sein du système de santé suisse : analyse et recommandations. Bâle : Académie suisse des sciences médicales, 2007.

[7] Idem note 2.

[8] Martin J. Le rationnement – Un point de vue d’éthique sociale et de santé publique. VSAO, Journal/Journal ASMAC, septembre 2004 ; 23, no 9 : 39-41.

[9] Lors d’une récente séance de comité d’une association nationale du domaine de la santé, un collègue a proposé de créer un groupe de travail pour débattre du thème (menaçant) du rationnement. Un autre collègue, professionnellement actif dans une institution de soins et impliqué socialement, a proposé de signaler publiquement que l’association est pour le rationnement, inévitable, mais qu’il importe de le concevoir dans un sens aussi équitable que possible ! Une proposition raisonnable, mais le comité ne l’a évidemment pas adoptée…

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